Intervention de Philippe Watrelot

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 9 avril 2015 à 9h05
Audition de M. Philippe Watrelot président du cercle de recherche et d'action pédagogique crap — Cahiers pédagogiques professeur de sciences économiques formateur en école supérieure du professorat et de l'éducation éspé

Philippe Watrelot, président du CRAP :

Oui, la devise du CRAP est un slogan politique : rien de plus politique que la pédagogie et l'éducation. Ce sont des valeurs mises en action. Vous savez parfaitement ce que cela veut dire : votre action quotidienne, en tant qu'élus, consiste précisément à mettre des valeurs en action. Il ne s'agit bien évidemment pas pour moi d'adopter une démarche partisane. Quand nous disons, depuis plus de quarante ans, que nous voulons changer la société, c'est parce que nous ne nous accommodons pas du fait que 20 % d'une classe d'âge continue à quitter le système scolaire sans aucune qualification. Nous ne sommes pas dans l'attente du grand soir, mais dans les petits matins où, allant chaque jour à l'école, nous nous efforçons de changer la société ici et maintenant, en nous tenant au service des enfants qui nous sont confiés. C'est en ce sens que je suis plus démocrate que républicain : proclamer l'égalité de tous est vain, si l'on ne se donne pas les moyens de la faire advenir. Quel plus beau moyen que l'école ? Si la promesse républicaine est compromise, c'est par le sentiment, exprimé dans certaines manifestations récentes, qu'il y a « eux et nous ». Il s'agit de lutter au quotidien contre ce sentiment d'exclusion.

Mon parcours plaide pour moi : mon père était tôlier-chaudronnier, ma mère dactylo. L'école m'a beaucoup apporté et certains membres de ma famille sont passés par l'enseignement professionnel. Je me suis très mal exprimé si je vous ai donné un sentiment de condescendance à ce sujet.

La réforme du collège ne nie pas les disciplines. L'interdisciplinarité n'y représente que 15 % du temps. Il s'agit de mettre la maîtrise parfaite que les enseignants ont chacun de leur matière au service de la création de compétences, afin de renforcer la cohérence de l'enseignement et de créer du sens. Les élèves ne perçoivent pas suffisamment les rapports entre les disciplines. L'enjeu est que les élèves apprennent mieux, ce qui est une manière de lutter contre les inégalités.

Rien ne s'oppose, à mes yeux, à l'enseignement de la morale. Plusieurs numéros des Cahiers y ont été consacrés. Gardons-nous simplement de tomber dans un discours uniquement descendant. Comme le disait Laurence Loeffel, il s'agit de mettre en place des dispositifs (discussion à visée philosophie, débat argumenté...) qui amènent les élèves à s'approprier cet enseignement.

L'on ne forme pas assez les enseignants aux valeurs de la République. Concrètement, cela ne représente qu'une petite partie d'un quart de la formation : en M1 on se prépare au concours ; en M2, on alterne stages et formation ; celle-ci est aux trois quarts disciplinaire ; le quart restant porte sur la culture commune, dont font partie les valeurs républicaines que nous avons en partage, aux côtés de la prise en compte du handicap, de la différenciation ou encore de l'éducation prioritaire.

Bien que les situations puissent varier très fortement d'une ÉSPÉ à l'autre, l'enseignement, très frontal, se déroule en amphithéâtre. Mieux vaudrait échanger au sein de petits groupes. Peut-être conviendrait-il aussi également d'améliorer le concours qui consacre seulement une question à ce sujet, l'ancienne épreuve « Agir en fonctionnaire de l'État de manière éthique et responsable » étant, à tort, souvent perçue comme une épreuve d'obéissance.

Tout cela résulte peut-être de ce que le concours a été placé entre M1 et M2. Comme M. Grosperrin, j'aurais préféré que le concours se situe en fin de licence, de manière à avoir une formation plus collective, dans laquelle les enseignants auraient pu réfléchir sur des valeurs communes.

En Belgique, au terme de leurs études, les enseignants prêtent le serment de Socrate : ils s'engagent à faire réussir tous les élèves. Nous devons en effet lutter contre l'échec, cette maladie nosocomiale de l'école. Pourquoi s'en étonner ? Les inégalités sociales sont une réalité à l'école : c'est en les combattant que l'on fera vivre les valeurs de la République.

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