Je remercie la Cour des comptes pour cette présentation : son rapport remet à plat le dispositif des aides personnelles au logement, constate ses lacunes et ses dérives et présente les réformes envisageables.
Nous avons constaté, au cours des dernières années, une dépense croissante (18 milliards d'euros), une prévision budgétaire systématiquement en-deçà de la réalité constatée en loi de règlement et une subvention d'équilibre au Fonds national d'aide au logement (Fnal), versée par l'État, plus élevée que le montant initialement inscrit en loi de finances.
Sur ces différents points, la Cour des comptes n'a pas manqué de confirmer l'analyse que nous avions pu faire. La question de la soutenabilité financière du système est d'autant plus cruciale que la subvention de l'État en 2014 n'était pas à la hauteur des dépenses. L'État a ainsi reconstitué vis-à-vis du Fnal une dette de 170 millions d'euros l'année dernière et il est certain que cette dette va s'accroître à la fin de l'exercice en cours. On ne peut pas laisser les choses en l'état.
Après avoir mentionné l'existence de deux modèles de prévision des dépenses - l'un, propre à la Cnaf qui verse les aides aux bénéficiaires, l'autre utilisé par les ministères chargés du logement et du budget -, la Cour des comptes recommande de « renforcer le pilotage budgétaire des aides au logement, en unifiant les hypothèses macro-économiques retenues par les administrations et en améliorant la connaissance des déterminants réels de la dépense ». Cette préconisation est de bon sens.
J'aimerais interroger les représentants des ministères sur cette recommandation : des travaux sont-ils réalisés en ce sens et, dans l'affirmative, à quelle échéance peut-on espérer une mise en oeuvre ? Comment comptez-vous présenter un budget plus sincère pour 2016 ? Une inscription insuffisante n'est-elle pas une facilité pour boucler les budgets ? Il est difficile de croire que les aides personnelles au logement stagnent compte tenu des conditions économiques et du fait que le chômage augmente.
L'enquête s'intéresse également à l'efficacité des aides personnelles au logement, en s'interrogeant sur ses résultats au regard des multiples objectifs qui leur sont assignés, et en particulier sur leur capacité à réduire le taux d'effort des ménages bénéficiaires. Sur ce point particulier, il y a une question régulièrement soulevée et que la Cour des comptes ne tranche pas vraiment. Oui ou non, les aides personnelles au logement ont-elles un effet inflationniste sur les loyers dans le parc privé ? La Cour des comptes se borne en effet à recommander d'« analyser la réalité et l'étendue de l'effet inflationniste des aides personnelles au logement ». Néanmoins, Pascal Duchadeuil m'a semblé un peu plus affirmatif sur ce point.
Pour ma part, je considère depuis longtemps que, dans certains cas, notamment dans les zones tendues et pour le logement étudiant, l'effet inflationniste n'est pas contestable. Les prix de loyer au mètre carré en Seine-Saint-Denis s'élèvent à 20 euros pour des appartements à peine louables. De tels montants ne sont possibles que grâce aux aides personnelles au logement et le propriétaire prend le risque, de ce fait, de louer à des familles à revenus faibles. Cet effet inflationniste est évident, même s'il est difficile de le quantifier.
Le Gouvernement envisage-t-il de réaliser des études pour mesurer cet effet inflationniste ? Ce matin, j'ai lu que le Gouvernement pourrait aller jusqu'à supprimer l'aide personnelle au logement au-delà d'un certain montant au mètre carré, notamment en zone tendue. Pourquoi ne pas envisager une mesure moins radicale en réduisant l'aide personnelle au logement au fur et à mesure de l'augmentation du prix au mètre carré ? Je ne sous-estime pas la difficulté de mise en oeuvre d'une telle mesure : encore faudrait-il que la Cnaf dispose de multiples données.
Notant l'insuffisante adaptation des aides personnelles aux disparités entre les territoires, la Cour des comptes relève l'obsolescence des zonages très anciens et décalés de la réalité. Le ministère compte-t-il les réviser et dans quels délais ?
Certaines études préconisent un écrêtement des aides en-deçà d'un taux d'effort minimum des ménages. Cette piste est intéressante et un montant de 1,2 milliard d'euros d'économies est évoqué. Un taux d'effort minimum ne serait-il pas une mesure d'équité, alors que les ressources budgétaires sont de plus en plus rares et que l'écart se creuse entre parc social et parc privé ? Cette piste d'économie est la plus importante, quitte à ce qu'elle soit en partie redistribuée. Par exemple, la réforme de l'aide personnelle au logement pour les étudiants proposée par la Cour des comptes ne rapporterait que 120 millions d'euros, ce qui reste relativement faible par rapport aux 18 milliards d'euros de dépenses associées aux aides personnelles au logement.
Lors de la dernière loi de finances, le Gouvernement voulait transformer les aides personnelles à l'accession en un mécanisme de « filet de sécurité ». Considérant qu'il était urgent d'attendre, le Parlement a décalé l'entrée en vigueur de cette réforme d'un an. Ces aides à l'accession sont nécessaires, car elles solvabilisent des ménages aux ressources modestes et sont susceptibles de favoriser la libération de logements locatifs, notamment dans le parc social. Le ministère prévoit-il toujours de mettre en oeuvre la réforme des aides personnelles « accession » dès le 1er janvier prochain ?
La Cour des comptes qualifie les aides personnelles au logement pour les étudiants de dispositif atypique. Tous les Gouvernements se sont posé la question et ils ont tous fini par reculer. Il semblerait que ce soit encore le cas. Je continue à penser que ce système est injuste. Un intéressant graphique démontre que le cumul de l'aide apportée par l'aide personnelle au logement et la demi-part fiscale bénéficie plus aux deux déciles les plus élevés de revenus qu'à ceux des classes moyennes. Il serait plus équitable que les parents choisissent entre la demi-part fiscale et les aides personnelles au logement.
La Cour des comptes a rappelé que les indus étaient importants, les coûts de gestion aussi. Peut-être pourrait-on suggérer aux ministères de figer l'aide sur trois ou six mois ? Est-ce une piste que vous étudiez ? Dans quels délais de mise en oeuvre ?
Quant au big-bang, le système actuel est effectivement compliqué et coûteux. On voit bien que l'améliorer entraînerait des coûts de gestion supplémentaires. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux changer de logique et prendre modèle sur la Grande-Bretagne qui expérimente une prestation sociale unique déconnectée des loyers pour éviter le phénomène inflationniste ? Est-ce une direction possible ? Y travaillez-vous ?