Avant tout, je veux témoigner de l'excellent esprit dans lequel nous avons travaillé, comme naguère dans d'autres groupes de travail transpartisans et informels. Nous avons été parfois atterrés, nous avons pu découvrir des réalités inconnues et mesurer l'ampleur de la tâche. La commission des finances est en pointe sur ces sujets, comme en témoignent ses travaux sur l'optimisation fiscale des géants d'Internet. La France seule ne peut rien faire, mais l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et le G20 ont heureusement pris la mesure du phénomène.
Nous avons pris cette fois le problème sous un angle différent, largement laissé de côté jusqu'à aujourd'hui : au-delà de l'optimisation, c'est bien de fraude pure et simple, ou plus exactement de non-recouvrement de l'impôt dû qu'il s'agit. Nous parlons ici d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et surtout de TVA.
L'économie numérique se développe, et ses activités échappent largement à l'impôt, faute de règles claires. Il en résulte d'une part une perte de recettes fiscales - une bonne part des 9,7 milliards d'euros manquants dans l'exécution 2013 s'explique sans doute par cela -, et d'autre part une distorsion de concurrence. Cela rejoint le débat que nous avons eu en séance sur la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), à laquelle échappent le drive et la vente sur Internet.
Nous présentons deux rapports. Le premier porte sur l'économie collaborative, très présente dans l'actualité avec la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l'application UberPop, et s'interroge sur le traitement fiscal des millions de particuliers, ou prétendus tels, qui louent leur logement, leur voiture ou leurs talents sur des plateformes. Le second rapport porte sur le e-commerce, source d'importantes pertes de TVA. Selon la Commission européenne, cette taxe, de loin la première ressource de l'État, est sujette à des fraudes massives - des fraudes « carrousel » mais pas seulement. Le e-commerce est sans nul doute l'une des explications au manque à gagner. Ce problème a été traité avec une légèreté qui nous a frappés : l'administration, interrogée sur ce sujet, nous dit que tout va bien ; il nous faudra donc non seulement renforcer les outils de l'administration, mais aussi gagner la bataille des esprits.
Nous avons entendu plus de 70 personnes - fonctionnaires, entreprises du numérique, banques etc. - et effectué des déplacements à Bruxelles et Rome. L'Italie a en effet lancé une expérimentation en matière de TVA qui est riche en enseignements. Nous sommes parvenus à des propositions qui déboucheront sur des amendements au projet de loi de finances.
Nous avons travaillé selon trois principes. Premièrement, considérant que nous la fiscalité est déjà trop élevée, nous n'avons voulu créer aucun impôt nouveau, mais améliorer le recouvrement des impôts existants. Le canal de la vente se diversifie, celui du recouvrement doit le faire aussi. J'ajouterais que si les prix venaient à augmenter sur Internet suite à la mise en place de notre proposition, c'est précisément que nous avions raison sur le problème...
Deuxièmement, nous ne voulons pas entraver le développement de l'économie numérique. Une entreprise comme Blablacar permet à la France d'être en pointe dans le domaine ; nous ne voulons pas taxer la poussette revendue sur Leboncoin, pas plus que nous ne taxons les vide-greniers. Tout l'enjeu est de faire une différence avec les cas où cette activité devient la source principale de revenus d'un particulier.
Troisièmement, nous ne voulons pas ajouter de la paperasse, des formulaires, construire une usine à gaz. Tous les acteurs que nous avons rencontrés sont très sensibles à ce point.
Je laisse maintenant la parole à Bernard Lalande et à Michel Bouvard, qui présenteront les conclusions du groupe de travail au sujet de l'économie collaborative.