Intervention de Michel Bouvard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 septembre 2015 à 9h30
Présentation des conclusions du groupe de travail sur le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique — Communication

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

Au 1er octobre, Airbnb collectera automatiquement la taxe de séjour à Paris. Cela ne concerne que 50 000 des 150 000 logements qu'il propose en France. Le taux de fuite et d'évasion de la taxe de séjour était énorme : à cet égard, l'économie numérique, via une plateforme, est donc le révélateur mais aussi le multiplicateur de transactions qui existaient avant elle. L'enjeu dépasse donc les 83 centimes d'euros par nuitée que la Ville de Paris récupérera.

Nos propositions répondent à deux questions : comment collecter l'impôt, et quels revenus imposer ?

Notre première proposition consiste à mettre en place un système de déclaration automatique des revenus, avec l'aide les plateformes. Celles-ci ont en effet l'avantage, pour beaucoup, de connaître à l'euro près et en temps réel le revenu de chacun de leurs membres. Aucun de nos interlocuteurs ne s'est montré hostile à cette propositions, à condition de veiller à la simplicité ; les plateformes y voient au contraire une manière de sécuriser leur activité.

Concrètement, le mécanisme serait le suivant : lorsqu'un particulier gagne de l'argent sur une ou plusieurs plateformes collaboratives, celles-ci transmettent le montant correspondant à une plateforme tierce, que nous avons appelé le « Central » faute de mieux, organisme indépendant qui pourrait être un groupement d'intérêt public (GIP). Celui-ci calcule ensuite le revenu agrégé de chaque particulier, procède aux recoupements nécessaires, et transmet une fois par an ce revenu à l'administration fiscale. Celle-ci dispose alors du revenu « collaboratif » du contribuable, sans démarche de sa part.

Bien sûr, ce système pose un certain nombre de difficultés d'ordre technique et juridique, mais celles-ci ne sont pas insurmontables. Nous les avons analysées. Ce n'est qu'une extension à la nouvelle économie du principe de la déclaration pré-remplie à l'impôt sur le revenu des salariés, en moins complexe. Les plateformes interrogées, pour peu que les informations transmises soient limitées et les responsabilités clairement déterminées, montrent un intérêt à participer à ce système qui constituerait un label de respectabilité pour elles.

Vient alors la seconde question : dans quelle mesure faut-il imposer ces revenus ? Quelle assiette retenir ? De toute évidence, imposer au premier euro de modestes compléments de revenus n'est pas tenable, d'autant qu'il s'agit souvent d'un amortissement de charge. Souscrire une déclaration fiscale pour louer son appartement deux jours ou pour prendre un passager sur un trajet Paris-Chambéry, c'est aller trop loin. Il faut laisser vivre l'économie collaborative, et ne pas entraver le développement de futurs champions français. C'est pourquoi le groupe de travail propose l'instauration d'une franchise, fixée à 5 000 euros par foyer fiscal. En-dessous de ce seuil, les revenus ne seraient pas imposables : cette exonération couvre plus ou moins le partage des frais. Au-delà, c'est le droit commun qui s'appliquerait : imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Précisons tout de suite que ce qui est aujourd'hui exonéré demeurerait exonéré, notamment les ventes d'occasion. La déduction des charges redeviendrait possible.

Nous proposons une franchise unique générale, commune à toutes les activités de l'économie collaborative : c'est un choix assumé de simplicité et de lisibilité. Certes, une voiture génère plus de charges qu'un lave-linge, mais le seuil unique a le mérite de la simplicité. Avec cette franchise, un particulier gagnant par exemple 8 000 euros sur une plateforme Internet serait imposé à hauteur de 738 euros si l'on retient l'hypothèse du choix du prélèvement forfaitaire libératoire dans le cadre du régime, dans le cadre du régime de l'auto-entrepreneur, au lieu de 1 968 euros actuellement. Logiquement, plus le revenu augmente, plus le taux d'imposition effectif se rapproche du droit commun. En résumé, nous proposons donc un impôt moins élevé, mais plus sûrement collecté. Tout le monde est gagnant.

Nous laissons maintenant la parole à Jacques Chiron et à Philippe Dallier, qui présenteront les propositions du groupe de travail en ce qui concerne le e-commerce.

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