Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 septembre 2015 à 9h30
Présentation des conclusions du groupe de travail sur le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique — Communication

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

En 2013, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », Albéric de Montgolfier et moi avions découvert - sans trop de surprise - que sur les millions de colis arrivant à Roissy, une grande partie était sous-déclarée, parfois en-dessous du seuil de 22 euros qui entraîne une exonération totale. Une poignée seulement de ces colis - ceux dont le caractère frauduleux ne fait guère de doute - étaient ouverts par les quelques douaniers en poste.

Tout le problème est que le client particulier, le plus souvent de bonne foi, croit avoir payé la TVA au moment de l'achat. Si l'entreprise est en France, nous pouvons penser qu'elle collecte et reverse la TVA ; si elle est dans un autre pays de l'Union européenne, c'est moins sûr, et l'administration est mal outillée pour le contrôler ; si elle est dans un pays tiers, il est presque sûr qu'elle ne le fait pas.

Il ressort de nos rencontres avec les douanes que celles-ci s'accrochent à une logique dépassée : leur objectif est d'accélérer les contrôles... mais ceux-ci ne seront de toute façon jamais assez nombreux. Cette logique-là est complètement dépassée.

La grande révolution - et c'est notre proposition-, consiste à instaurer un prélèvement à la source de la TVA, au moment de l'achat en ligne. C'est le seul moyen de changer les choses. Concrètement, il s'agit de confier à un organisme tiers la tâche de collecter et de verser les taxes dues, dès que le client paie. Cela s'appelle un paiement scindé, ou split payment. Cela paraît simple... et c'est simple ! Techniquement, il n'y a aucune difficulté - croyez-en l'ancien informaticien que je suis. Le GIE Cartes Bancaires de n'y oppose pas, les établissements financiers non plus - pourvus qu'ils ne soient pas responsables de l'application du bon taux, ce qui peut être évité.

Pour le contrôle des colis importés, nous pouvons imaginer qu'un code-barres identifie les colis passés par ce système, permettant à la douane de les trier. Les commerçants sont encouragés à rentrer dans le système : la TVA est prélevée de toute façon, et le client attend une livraison la plus rapide possible. L'administration des douanes pourra ainsi concentrer les contrôles sur les colis provenant d'entreprises qui n'ont pas joué le jeu.

Quelles sont les difficultés ? Convaincre au niveau européen. Est-ce possible ? Je le crois. Nous nous heurterons aux récalcitrants traditionnels, qui profitent du système : les pays qui abritent les sociétés de vente en ligne, ou qui comptent de grandes plateformes portuaires et aéroportuaires, dont les pratiques ne sont pas forcément vertueuses. Mais ils devront finir par se préoccuper de cette question : 168 milliards d'euros de trou au niveau européen, un manque à gagner de 34 % pour l'Italie et 14 milliards d'euros en France ou 25 milliards d'euros pour l'Allemagne, ce n'est pas rien.

Il existe un précédent : la Commission européenne a récemment autorisé l'Italie à utiliser le paiement scindé pour les achats par les administrations publiques. L'Italie en attendait un milliard d'euros dès la première année, les estimations sont déjà à deux milliards d'euros. Les représentants du patronat italien espèrent que l'expérimentation sera abandonnée ; ils invoquent - et il faut en tenir compte - des problèmes de trésorerie dans les entreprises, qui se retrouvent créditrices de l'État et attendent un remboursement de TVA. Nos collègues du Sénat italien nous ont précisé que le pays travaillait à des solutions pour accélérer les versements.

Nous avons avec le paiement scindé une solution simple et efficace. Il n'y a pas d'autre moyen pour éviter l'évaporation de taxe, qui risque de devenir bientôt exponentielle.

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