Intervention de Emmanuèle Perron

Mission commune d'information sur la commande publique — Réunion du 9 juillet 2015 à 10h02
Audition de Mme Emmanuèle Perron présidente de la commission des marchés à la fédération nationale des travaux publics

Emmanuèle Perron, Présidente de la commission des marchés à la Fédération nationale des travaux publics :

Je partage votre point de vue. Mais il faut savoir qu'une telle démarche existe fréquemment dans le domaine des travaux publics puisque les clauses d'exécution peuvent avoir trait à l'insertion. Sur nos territoires, nous disposons d'ailleurs de référents. Ainsi, pour prendre un exemple concret, il peut arriver que l'une des clauses d'exécution contienne un quota de 10 % de la masse salariale destiné à l'insertion, mais que faire s'il est impossible d'atteindre un tel seuil sur le territoire national ? Pour se prémunir contre ce genre de difficultés, nous disposons ainsi de référents, qui sont souvent des associations. J'ai d'ailleurs fait travailler l'une d'elles lors d'un projet en Corse, et si de tels organismes ne parviennent pas à fournir des personnels, faute d'effectifs suffisants ou adaptés à la mission, au moins les entreprises ont-elles assumé leurs obligations. Et un tel dispositif fonctionne très bien en modalités d'exécution.

Pourquoi avoir remis en cause la consécration au niveau français des dispositifs de « in house » et de coopération entre pouvoirs adjudicateurs ? Il faut comprendre que dans un contexte d'activité très tendu, l'exclusion des opérateurs privés est considérée comme une « concurrence déloyale ». Certes, la transposition envisagée par le projet d'ordonnance est conforme à la directive 2014/24 du 26 février 2014. Mais nous considérons qu'elle est contraire aux principes fondamentaux d'ouverture des marchés et de libre concurrence. De plus, le seuil de contrôle en quasi régie fixé à 80% et surtout la possibilité pour les entités publiques d'intervenir à hauteur 20% de leur activité sur le marché concurrentiel seront très difficiles à contrôler dans la pratique. Comment connaître cette répartition si ce n'est a posteriori, soit une fois que les marchés auront été passés ? Et il n'y aura plus de contrôle !

S'agissant des marchés globaux, nous sommes en faveur de tous les marchés qui peuvent créer de l'activité. L'urgence pour notre pays est de préserver l'investissement, y compris l'entretien de nos infrastructures. Cette situation impose de considérer les différents modèles contractuels sans dogmatisme mais dans un souci d'efficacité. Dans ce contexte, nous soutenons l'extension des nouveaux marchés dits « globaux » qui engagent les entreprises sur des objectifs de performance ou d'innovation technique. Il existe en effet plusieurs types de marchés globaux qui concernent soit la conception et la réalisation, soit la performance et les marchés sectoriels. Il nous reste aujourd'hui à attendre les décrets avant de nous prononcer.

Les PME ont un problème de trésorerie. Je vais vous évoquer trois cas concrets. D'une part, je citerai la lettre du service des affaires juridiques d'une mairie, dans le cadre d'une consultation pour l'aménagement d'un carrefour giratoire. Ainsi celle-ci, en rappelant que la commune a la possibilité de négocier avec tous les candidats sélectionnés, enjoint à l'entreprise destinataire de sa correspondance de bien vouloir renoncer au paiement de l'avance forfaitaire. D'autre part, dans un autre appel d'offres, il est fait mention, à l'article relatif aux pénalités pour retard et aux primes d'avances, que « les pénalités journalières de retard, par dérogation à l'article 20.1 du CCAG-Travaux sont de 10 % du montant total du marché » et qu'en cas d'absence aux réunions de chantier, « les entreprises, dont la présence est requise, se verront appliquer une pénalité forfaitaire fixée à 150 euros par absence ». On applique ainsi des pénalités pour n'importe quoi et ce, en dehors de toute légalité possible ! Enfin, dans le cahier des clauses administratives particulières d'une ville, l'article relatif au rabais pour travaux en période d'activité restreinte dispose que « lorsque dans une période d'activité restreinte signalée, par écrit, par l'entreprise, la commune commandera des travaux pouvant débuter sous 15 jours, il sera appliqué au montant de ces travaux, outre le ou les rabais précédemment prévus, un rabais supplémentaire » en fonction des commandes passées et pouvant aller jusqu'à 10 % pour les commandes de plus de 70 000 euros hors taxe. Une telle mesure est une honte !

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