Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Nouvelle organisation territoriale de la république — Communication

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente :

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République - le PJL « NOTRe » - revient au Sénat après son passage à l'Assemblée nationale, pour un examen en séance plénière dans la semaine du 26 mai.

C'est peu dire que nos collègues députés ont modifié la rédaction issue de nos travaux. Sur les compétences « culture », les députés n'ont pas fait dans le détail : ils ont supprimé les principales modifications que nous avions apportées, en particulier les conférences territoriales de l'action publique - les CTAP - « culture » et « sport ».

Je laisserai tout à l'heure à notre collègue Marie-Christine Blandin le soin de nous dire quelques mots, si elle le souhaite, sur le sort réservé à l'article 28 A, introduit par le Sénat, à son initiative, dans le projet de loi afin de garantir les droits culturels.

À l'article 28, l'Assemblée nationale a mis fin à l'obligation d'installer les trois commissions thématiques « culture », « sport » et « tourisme » de la CTAP, tout en étendant la liste des compétences partagées aux langues régionales et à l'éducation populaire.

Toujours sur le volet « culture », les députés ont supprimé l'article 28 bis du projet de loi, par lequel nous précisions que la CTAP « veille à la continuité des politiques publiques en matière de culture, de sport et de tourisme et à leur mise en oeuvre équilibrée dans l'ensemble des territoires. »

La suppression s'est faite graduellement, au rabot. En commission des affaires culturelles, les députés, s'ils ont salué les CTAP thématiques et accepté qu'elles veillent à « la continuité des politiques publiques dans l'ensemble des territoires », n'ont pas voulu que les CTAP thématiques veillent également à « la mise en oeuvre équilibrée » des politiques culturelles et sportives « dans l'ensemble des territoires ».

Le deuxième coup de rabot est allé bien plus profond, en commission des lois puis en séance plénière de l'Assemblée nationale : les députés ont supprimé en bloc le travail accompli, plutôt que de se rallier au compromis qu'aurait pu constituer la rédaction issue des travaux de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Les députés ont en effet repoussé l'affirmation d'un exercice conjoint des compétences, au motif que le code général des collectivités territoriales dispose déjà que les collectivités « concourent avec l'État » à de nombreuses politiques publiques, en particulier au « développement culturel ».

Ils ont supprimé l'obligation d'installer des commissions « thématiques » au motif que le code général des collectivités territoriales dispose que la CTAP, « organise librement ses travaux, au travers de commissions thématiques »... une précision que nous avons ajoutée en janvier 2014 dans la loi « métropoles ».

Quelle est la portée de ces suppressions et quelle position adopter désormais ?

Mes chers collègues, nous touchons-là un sujet de fond, je veux y revenir avant de vous proposer des amendements.

Pourquoi écrire dans la loi que les compétences « culture » et « sport » sont non seulement partagées entre l'Etat et les collectivités, mais qu'elles sont également exercées conjointement ? Tout simplement parce que la culture, comme le sport, sont à ce point importants dans notre société, qu'il y a obligation d'agir pour l'Etat et collectivités territoriales ; le risque, c'est que la compétence partagée se traduise par une répartition sectorielle, par un cloisonnement et un exercice disjoint des compétences ; le risque, c'est que l'intervention de l'un... épuise celle de l'autre : qu'à la région, par exemple, on en vienne à considérer que tel secteur relève seulement de l'Etat, et réciproquement ; dès lors, affirmer l'exercice conjoint, c'est dire que l'Etat et les collectivités territoriales sont tenus d'agir et d'agir de concert.

C'est aussi ce qui justifie pleinement l'obligation de CTAP thématiques : nous ne faisons là qu'instaurer une instance de dialogue, indispensable à l'exercice conjoint de la compétence visée. Ne pas le faire, c'est prendre le risque que les dossiers « culture » ou « sport » passent à la trappe, qu'ils soient noyés dans des ensembles trop vastes...

Mes chers collègues, les arguments qu'on nous oppose sont très en-deçà des enjeux de cette nouvelle étape de la décentralisation et du rôle que la culture et le sport jouent dans notre société. Les acteurs de la culture ne s'y sont pas trompés : ils s'alarment de voir les pouvoirs publics se désengager partout du soutien à la création, abandonner des pans entiers d'intervention publique, mais abandonner aussi des territoires où l'accès à la culture est déjà un problème.

Les politiques d'accès à la culture demandent certes du volontariat, mais aussi du volontarisme : des centres d'art ferment, des festivals sont annulés faute de soutien, l'enseignement artistique rencontre toujours plus de difficulté, voilà les réalités que nous devons rappeler face aux arguments qu'on nous oppose !

Dans ce contexte, je crois qu'il n'est pas superflu d'écrire dans la loi :

- que l'Etat et les collectivités territoriales exercent conjointement leurs compétence en matière culturelle ;

- qu'une CTAP « culture » et une CTAP « sport » doivent obligatoirement être constituées, pour assurer le dialogue indispensable à l'exercice conjoint des compétences ;

- de même, je crois utile d'écrire dans la loi que ces CTAP thématiques veillent à la continuité des politiques publiques de leur ressort.

Je vous proposerai donc d'adopter des amendements en ce sens, en vue de l'examen du texte par la commission des lois mercredi prochain.

J'ai tenu compte, dans leur rédaction, du travail accompli par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, pour bien montrer notre volonté de compromis.

En matière d'enseignement scolaire, si l'Assemblée nationale est revenue sur la suppression du transfert de la compétence en matière de transports scolaires votée par le Sénat, elle a maintenu la suppression du transfert des collèges, ce dont je me félicite. Elle a simplement introduit une nouvelle disposition, prévoyant que les régions et les départements peuvent conclure des conventions fixant des modalités d'actions communes et de mutualisation des services pour l'exercice de leurs compétences. En pratique, cette possibilité existe et est déjà mise en oeuvre, par exemple en Haute-Normandie.

En matière de transports scolaires, que l'Assemblée prévoit de transférer aux régions, aucun mécanisme de subdélégation n'est prévu. Cet état de fait ne nous permet pas de lever les objections que nous avions formulées en première lecture. Je vous proposerai en conséquence d'adopter un amendement de suppression des modalités de ce transfert, c'est à dire de revenir à ce que nous avions décidé en janvier dernier.

Enfin, un nouvel article 12bisAA a été adopté par nos collègues députés. Il prévoit que les districts de recrutement des lycées fassent l'objet d'une définition conjointe par le recteur et le conseil régional. Ces dispositions répondent à une revendication de longue date de l'Association des régions de France. L'autorité académique demeure seule compétente pour affecter les élèves et conserve un pouvoir de décision en cas de désaccord. La procédure ainsi créée laisse une place prépondérante au recteur, contrairement à la celle relative aux secteurs de recrutement des collèges, dont la définition appartient au conseil général après avis du conseil départemental de l'éducation nationale. Je n'ai aucune objection à cette disposition.

De même, les dispositions adoptées par les députés relatives au sport n'appellent pas d'observation particulière : l'Assemblée nationale a adopté les articles 12 ter et 12 quater du projet de loi, qui déterminent les conditions de la décentralisation des CREPS, sous réserve de modifications rédactionnelles. Ils ont notamment validé la disposition ajoutée à l'initiative de notre commission précisant que chaque région métropolitaine a vocation à accueillir au moins un de ces établissements sur son territoire.

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