Intervention de Luc Chatel

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 12 mars 2015 à 9h00
Audition de M. Luc Chatel ancien ministre de l'éducation nationale 2009-2010 puis de l'éducation nationale de la jeunesse et de la vie associative 2010-2012

Luc Chatel, ancien ministre de l'éducation nationale :

Merci de parler des internats d'excellence. J'ai eu au téléphone le proviseur de Sourdun après les événements de janvier. Les élèves sont à 90 % issus de l'immigration et de milieux très défavorisés. Lors de la cérémonie d'inauguration, un père en tenue traditionnelle africaine m'avait dit, et j'en avais été très ému : « J'ai eu beaucoup de chance car la France m'a accueilli ; par miracle, mon fils fait des prouesses à l'école ; nous vous le confions. » Pendant la minute de silence, il n'y a eu aucun incident. Cela est sans doute lié à la décision de l'équipe pédagogique, après les attentats, de débattre avec les élèves ; et puis il y a l'autorité qui s'exerce au sein de l'établissement. Il est possible de contrer les influences de la société. Cessons de croire que « le monde d'aujourd'hui » nous interdit d'espérer des résultats !

Tout système, et l'école y compris, a la tentation de se cacher la vérité. J'ai demandé aux recteurs et aux chefs d'établissements de regarder la réalité en face. Je disais aux recteurs et aux inspecteurs d'académie que je réunissais régulièrement : ne cédez pas au politiquement correct, ne restez pas le petit doigt sur la couture du pantalon !

Pour renforcer l'autorité des enseignants, il faut d'abord la leur apprendre. Nous avons oublié au début des années soixante-dix des règles de base. Prétendre que l'élève pourrait être l'égal du maître ne renforce pas l'autorité de ce dernier... En cette matière, plus c'est simple, plus ça marche, comme l'a dit M. Legendre.

Lorsque vous rencontrez des enseignants de collèges difficiles qui vont au combat en notre nom à tous, et pour des rémunérations assez limitées, vous vous devez d'être à leurs côtés, de les soutenir lorsque ça tangue. Certains ont l'autorité dans les gènes, grâce à un charisme naturel. Mais d'autres sortent à peine de l'école et sont terrorisés. Il faut d'abord ne pas les envoyer dans les collèges les plus difficiles ; puis que des collègues plus expérimentés les coachent. C'est pour cela que j'avais créé dans la formation des enseignants un module « tenue de classe ».

Mme Cartron a raison ; pour ma part, je n'ai jamais pensé à l'école comme à un sanctuaire. Elle est le reflet de la société. Ce n'est pas elle qui est violente, c'est la société qui l'est. Le comportement des rebelles qui n'ont pas voulu respecter la minute de silence ne venait pas de l'école, mais de l'extérieur. Comment y résister ? D'abord en ne se résignant pas. Lorsque vous entrez dans un collège, vous voyez tout de suite s'il est bien tenu, si chacun adhère à un projet, si le chef d'établissement est respecté de ses enseignants. C'est possible avec plus d'autonomie. De cette idée venait le programme Éclair, qui autorisait les principaux de 300 collèges à recruter leur équipe pédagogique. Certains enseignants veulent aller dans les établissements difficiles, non pour la prime, mais parce que cela les passionne.

Il n'y a pas d'autorité sans sanction ; c'est vrai pour les élèves comme pour les parents. Des garde-fous avaient été prévus dans la loi Ciotti pour éviter ce que vous décrivez, qui ne recouvre que 0,01 % des cas et trouve à se résoudre facilement.

Enfin, je crois à la récompense. Lorsque je suis sorti de la Sorbonne à la fin des années quatre-vingt, notre promotion a décidé de réinstaurer la cérémonie de remise des diplômes. L'un de nos enseignants principaux nous a alors dit : « J'aurai donc tout connu : la génération qui a voulu supprimer la cérémonie et celle qui a demandé à la rétablir. » Pour autant, lors de l'épisode de la cagnotte, d'aucuns avaient imaginé de récompenser financièrement les élèves pour leur assiduité... les bras m'en étaient tombés !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion