Intervention de Laurent Bigorgne

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 2 avril 2015 à 9h00
Audition de M. Laurent Bigorgne directeur de l'institut montaigne

Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne :

Malgré les trésors d'inventivité qu'elle recèle, la rue de Grenelle est incapable de s'adapter à une école dont les besoins ont changé. Si elle gagnait en autonomie, la DEPP pourrait prendre en charge les Big data ou l'Open data, se transformer en une autorité administrative indépendante, qui rendrait compte une fois par an au Parlement de la situation de l'école dans les territoires, favorisant ainsi la transparence. Certains pays ont su opérer une belle transition dans le domaine de l'enseignement supérieur. La Grande-Bretagne a purement et simplement supprimé son ministère de l'enseignement supérieur pour créer à la place une agence d'évaluation qui joue un rôle-clef dans le dispositif. Inspirons-nous de cela pour renforcer la DEPP.

L'Inspection générale sert de vivier aux cabinets ministériels ou à l'administration centrale, ce qui fragilise le principe de séparation des pouvoirs. Elle se renouvelle peu. Il serait judicieux de fusionner les deux corps d'inspecteurs généraux et de recadrer leur mission pour éviter qu'ils forment un État dans l'État. On pourrait également doter l'État d'un conseil scientifique et stratégique où n'auraient droit de cité que les chercheurs qui publient dans des revues d'envergure internationale. Ces mesures n'ont rien de révolutionnaire ; le Sénat, qui a un rôle à jouer pour garantir la transparence du système, peut les porter. Lors de la concertation sur la refondation de l'école en 2012, j'avais été frappé que la parole de telle ou telle association départementale d'enseignants pour la défense de l'environnement ait devant l'Agence nationale de la recherche le même poids que celle d'un chercheur de l'envergure du patron des sciences cognitives. Ce serait inimaginable dans le domaine médical, par exemple.

Il me paraît également invraisemblable que le vivier de recrutement des recteurs continue de se concentrer sur la base étriquée des universitaires. Ces blocages empêchent l'oxygénation d'un corps qui doit pouvoir se renouveler pour assurer la conduite fine du paysage éducatif territoire par territoire. Le recteur de la Seine-Saint-Denis est responsable de 80 000 enseignants ; celui de Versailles en gère 100 000. Pour gérer ces administrations énormes, de hauts fonctionnaires venus d'autres administrations ou des personnes ayant mené une partie de leur carrière dans le privé seraient tout à fait à même d'apporter leur expertise. Les deux académies que j'ai mentionnées sont les châteaux d'eau du recrutement des professeurs en France. Elles concentrent les enseignants jeunes, ceux qu'il faut convaincre de rester dans le métier en leur proposant des modèles de réussite.

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