Intervention de Laurent Lafforgue

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 2 avril 2015 à 9h00
Audition de M. Laurent Lafforgue mathématicien titulaire de la médaille fields membre de l'académie des sciences

Laurent Lafforgue, titulaire de la médaille Fields, membre de l'Académie des sciences :

C'est un héritage. L'école mathématique française s'est reconstituée miraculeusement après la Seconde Guerre mondiale et se perpétue depuis. Elle illustre l'importance de l'inertie en ce domaine. Notre école primaire était sans doute, il y a cinquante ans, la meilleure au monde. Il a fallu des décennies pour la détruire. Inversement, même avec la meilleure politique du monde, il faudrait des décennies pour la reconstruire. À vrai dire, j'ai aussi des inquiétudes pour l'école mathématique car les jeunes scientifiques n'ont plus la formation littéraire, philosophique et fondée sur les humanités classiques dont bénéficiaient leurs aînés depuis des siècles. Ils deviennent de bons techniciens de la science mais il leur manque la capacité de recul et de réflexion conférée par cette formation. Résultat : si les scientifiques n'ont jamais été aussi nombreux, leur créativité s'est effondrée.

À cet égard, comme dans d'autres domaines, le relais est pris par l'Asie où, dans des pays comme le Japon, le Vietnam ou la Chine, l'éducation nous paraîtrait réactionnaire, alors qu'elle permet la modernité. Au Japon, par exemple, les élèves apprennent tous à compter sur un boulier, ce qui n'empêche pas ce pays d'être en pointe dans l'électronique : la première éducation n'a pas pour finalité de préparer à un métier. L'enseignement primaire ne doit pas obéir aux mêmes principes que l'enseignement supérieur. Faute d'avoir respecté cette règle de bon sens, nous devons enseigner à l'université des éléments qui auraient dû être assimilés en primaire !

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