Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 septembre 2015 à 10h05
Auditions pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes transmise en application de l'article 58-2° de la lolf sur les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'état — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

On manque d'une vision exhaustive et transversale des écarts entre temps de travail légal et effectif, la mission de Philippe Laurent y pourvoira, je l'espère. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes observent des pratiques qui s'écartent des 1 607 heures annuelles par an. L'ampleur de ce phénomène reste à déterminer. Ainsi, dans certaines collectivités territoriales, des accords antérieurs à ceux liés à la mise en place des 35 heures accordent plus de jours de congés que la règle de droit commun. Nous avons également constaté que le temps de travail des policiers est inférieur à celui des gendarmes, en raison de systèmes de récupération plus favorables. Par ailleurs, dans notre dernier rapport sur l'autonomie des universités, nous indiquions qu'une circulaire comptabilisait les jours fériés du personnel administratif comme des jours travaillés. De même, la prise en compte de la performance dans le régime indemnitaire est inégale selon les ministères, avec une grande diversité de primes, une prime forfaitaire pouvant varier de 20 % à 80 %. La Cour des comptes commence à les recenser.

Certains pays ont réformé structurellement leur fonction publique pour mieux maîtriser l'évolution de la masse salariale et organiser plus efficacement le service public. On imagine souvent que pour mieux répondre aux besoins, il faudrait augmenter les crédits. Mais il n'y a pas de lien automatique et évident entre l'augmentation des effectifs et l'amélioration du service public ! Il faut aussi tenir compte de l'organisation, du fonctionnement et de la répartition des moyens. Quand on isole un paramètre, les résultats ne sont toujours à la hauteur des attentes. Le Canada, dans les années 1990, a réduit ses effectifs de fonctionnaires de 16 % - ceux-ci ont augmenté ensuite lorsque sa situation économique s'est améliorée. La Finlande, le Royaume-Uni et la Suède ont engagé des réformes. Hormis l'Allemagne, dont la situation budgétaire s'écarte sensiblement de celle de la France, la France est le seul pays à avoir augmenté sa masse salariale publique en volume depuis 2010. Les autres pays, quelle que soit leur sensibilité, ont réduit leur masse salariale publique, certains considérablement, comme les Pays-Bas, l'Italie, le Royaume-Uni, sans parler de l'Espagne, en jouant sur le non-remplacement des départs ou le réajustement des rémunérations.

Une éventuelle réduction des effectifs devrait être réalisée à partir de la réorganisation des missions et des compétences de l'État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale. En revanche, la technique du « rabot », a des conséquences sur l'attractivité de la fonction publique, comme l'évoquait Thierry Carcenac. La rémunération - mais aussi l'organisation des services - contribue à l'attractivité. Lorsqu'on réduit à l'excès les moyens d'une administration, si celle-ci ne peut plus exercer correctement ses missions, l'attractivité de la fonction publique n'en est pas améliorée ! Le fonctionnement des services, la responsabilisation des gestionnaires publics importent aussi. On s'est beaucoup écarté de l'esprit de la LOLF, qui prônait la responsabilisation du gestionnaire public...

Les réformes de structure exigent une vision à moyen terme et à long terme pour en dégager l'intérêt. Pendant longtemps, la réduction des effectifs de l'État s'est accompagnée d'une augmentation sensible des effectifs des opérateurs. Les pouvoirs publics ont fini par imposer des limites. À quoi bon s'efforcer de maîtriser la masse salariale, si on laisse libre cours au contournement des dispositifs et des règles qui ont été fixées ? Le contrôle des opérateurs est essentiel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion