Je ne peux que m'associer aux propos qui ont été tenus par mes collègues de la Commission européenne. L'objectif principal de ce plan d'investissement est en effet de dynamiser la dépense publique. Quand Jean-Claude Juncker a été pressenti pour présider la Commission européenne, il a demandé à la BEI de lui proposer un mécanisme permettant, à moyens budgétaires constants, de répondre aux besoins urgents d'investissement de l'économie européenne et pouvant être mis en oeuvre dès le début de l'année 2015. Cette discussion avec la BEI a constitué la base de son discours devant le Parlement du mois de juillet 2014.
Nous avions déjà lancé des projets destinés à dynamiser la dépense publique réunissant la BEI et la Commission européenne qui ne reposaient pas sur une logique traditionnelle, budgétaire, visant à sélectionner des projets et à allouer des lignes de crédits en fonction de leur intérêt, mais sur une sélection effectuée par un tiers expert, en l'occurrence la BEI, chargé d'analyser ce projet. Ce mode de sélection ne s'appuie donc pas sur des critères politiques, nationaux, régionaux ou sectoriels mais il est fondé sur la rentabilité économique et sociale du projet concerné. La BEI est d'ailleurs l'une des rares institutions qui continue de mesurer ce type de rentabilité pour les projets qu'elle finance. Cette analyse des hypothèses retenues par les promoteurs du projet doit lui permettre d'établir si ce dernier est viable et est conformé à un « bon usage de l'argent public », indépendamment des questions de rentabilité financière.
Cette méthode est originale s'agissant de l'emploi de fonds budgétaires. Nous l'avons cependant déjà mise en oeuvre sur quelques programmes pilotes. Un fonds de garantie provisionne ainsi à hauteur de 9 % les projets financés par la BEI à l'extérieur de l'Union européenne. Ce niveau de garantie, qui est le même depuis la fin des années 1970, s'est avéré suffisant pour faire face à un risque de défaut. Pour être précis, nous n'avons été confrontés qu'à un seul cas de défaut, celui de la Syrie. Pour autant, si la BEI a pris part au financement de projets dont les impacts microéconomiques lui apparaissaient positifs, tels que la construction de ports ou encore l'amélioration de la production d'électricité, ou de gaz, les conséquences financières d'évènements politiques qu'elle ne maîtrise évidemment pas ont été supportées par le budget européen.
Ce type de financements n'existait cependant pas en tant que cadre à l'intérieur de l'Union européenne, même si un certain nombre de projets pilotes, associant la BEI et la commission européenne, ont pu être lancés, tels que le programme de soutien aux PME (COSME), que nous avons développé, en France, en partenariat avec la BPI et certaines banques commerciales. Je citerais également l'instrument de garantie dans le domaine des transports qui a notamment permis le financement de la ligne Sud-Europe-Atlantique (Tours-Bordeaux), qui n'a pu être financée que parce que la BEI, soutenue par le dispositif de la Commission européenne, a pu apporter une garantie au nom de l'Union européenne. Dans le domaine de la recherche, nous avons lancé en 2005 un programme de garantie effectif depuis 2008. Ces exemples ont montré que nous pouvions mobiliser des investisseurs sur des projets « certifiés » par l'analyse menée par la BEI. Le dernier projet en date concerne le développement des project bonds ou obligations de projet, destiné à orienter les liquidités des marchés obligataires vers le financement de projets d'infrastructures dans les domaines des transports, des télécoms ou de l'énergie. En France, un tel projet a vu le jour dans le domaine des télécoms, en partenariat avec Axione, filiale de Bouygues, qui visait à déployer la fibre optique dans douze départements français. Sur l'ensemble de ces projets, nous avons constaté un effet multiplicateur compris entre 18, 25 et 28 suivant les cas.
Pour répondre à votre question, Madame la Présidente, le mécanisme de sélection sera relativement simple et reposera sur une logique pragmatique. Il n'y aura pas d'allocation nationale ou sectorielle. Les promoteurs publics ou privés pourront présenter librement leurs projets à la BEI. Avec la Commission européenne, nous nous sommes engagés à ce que l'ensemble de la procédure de sélection soit transparente. La BEI analysera la viabilité de ces projets.
Les promoteurs seront appelés à faire des choix significatifs. Soit ils opteront pour une attitude classique visant à obtenir un prêt accordé par la BEI correspondant à environ un tiers du financement, la participation de la BEI n'excédant jamais 50 %. Cette solution classique n'a cependant aucun effet d'attraction pour le secteur privé.
Soit le promoteur estime qu'il est préférable, par exemple, de constituer une société de projet à laquelle participera la BEI via la prise en charge d'une tranche risquée. Cette solution permet d'accueillir, soit à un même niveau de risque, soit à un niveau inférieur, des co-financeurs, qui bénéficieront du travail de certification et de validation réalisé en amont par la BEI.
L'effet de levier retenu d'un commun accord avec la Commission européenne repose sur une hypothèse relativement conservatrice de 15, soit un niveau inférieur à tout ce que nous avons constaté jusqu'à présent, l'effet de levier étant plutôt compris entre 18 et 28 pour chacun des produits financiers que nous avons développés.
Si le dispositif est loin d'être arrêté, des discussions étant toujours en cours entre les États membres et au sein du Parlement européen, les promoteurs sont toutefois invités à présenter dès maintenant leurs projets à la BEI. Cette notion d'urgence est importante comme l'a rappelé Jean-Claude Juncker.
Le 16 janvier dernier, j'ai reçu les principales banques françaises pour leur présenter dispositif. Je leur ai toutefois indiqué qu'il leur revenait de développer des produits permettant de financer à la fois de très grands projets, comme la ligne Sud-Europe-Atlantique, mais aussi des projets plus limités, dont le montant n'excède pas quelques millions d'euros.