Intervention de Marie-Monique Khayat

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 21 mai 2015 à 9h00
Audition de Mme Marie-Monique Khayat proviseur du lycée jean de la fontaine paris 16e et M. Alain Anton proviseur de la cité scolaire claude monet paris 13e

Marie-Monique Khayat, proviseur :

L'évolution de l'école peut être éclairée par trois regards, qu'on aurait pu penser concordants ces vingt dernières années : celui de l'institution, celui des parents et celui des enseignants. Il y a vingt ans, l'institution considérait sans doute que l'idée de la République était éternelle et que ses valeurs échappaient à toute décrépitude. Au début des années 2000, la notion de citoyenneté a pourtant commencé à se dégrader. Pour ma génération, l'école était un lieu à l'abri des violences ; personne n'avait pensé que le collège unique se délabrerait un jour. On a assisté à la démission des élites culturelles, on s'est concentré sur la politique des exclus au lieu de favoriser l'intégration des jeunes français d'origine maghrébine, on est entré dans le déni. L'institution ne s'inquiétait pas des communautarismes. La première faille s'est ouverte en 1989 avec l'affaire du voile, puis les attentats de septembre 2001 ont marqué une nouvelle étape dans le délabrement intellectuel et la détérioration du climat dans les établissements. Peut-être avons-nous fait preuve d'une forme d'angélisme : nous n'avons pas vu l'accélération des communautarismes et les proviseurs ne voulaient pas faire de vagues. Difficile d'admettre qu'on ne savait pas, plus simple de mettre en cause les professeurs, taxés ne pas savoir y faire. Pas de conseil de discipline pour de simples menaces sans passage à l'acte. On peut parler d'affaiblissement intellectuel devant l'offensive communautariste. Déjà, en 2001, les trois minutes de silence en hommage aux victimes des attentats avaient dû être écourtées dans certains établissements, sans qu'on en fasse état.

Ce qui fragilise la République, c'est surtout la régression de l'égalité entre filles et garçons. L'insécurité dans les établissements est longtemps restée un ressenti plutôt que d'être reconnue comme une réalité. Dès 1994, les enseignants d'histoire avaient du mal à enseigner non seulement la Shoah, mais aussi l'islam et même le christianisme. Tensions au moment du Ramadan, demandes de dispense de cours de natation : réticents à faire état de ces pressions, les chefs d'établissement, isolés, menaient chacun leur politique, en fonction du pourcentage d'élèves immigrés ou maghrébins dans leur établissement. On a ainsi cautionné, par déni, une démarche culturelle sexiste et discriminatoire. On a failli à protéger la République.

Les problèmes au moment des apprentissages se sont généralisés. Des classes ont disparu, qui permettaient de venir en aide à des élèves en retard d'apprentissage ou incapables de réfléchir sur leur discours, de comprendre l'abstraction. Les enseignants, isolés, ont été contestés dans leur autorité, démunis s'ils se taisaient, mis en cause pour leur position partisane s'ils parlaient. La plupart des professeurs stagiaires recalés le sont à cause de problèmes de gestion de classe. Ce qui les aiderait, c'est une formation psychologique pour apprendre à gérer les conflits, et une formation didactique pour s'adresser à des élèves qui ne maîtrisent pas la langue. Cessons de dire que les enseignants ne savent pas y faire ! La transmission des héritages est une mission fondamentale de l'école.

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