Intervention de Marie-Monique Khayat

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 21 mai 2015 à 9h00
Audition de Mme Marie-Monique Khayat proviseur du lycée jean de la fontaine paris 16e et M. Alain Anton proviseur de la cité scolaire claude monet paris 13e

Marie-Monique Khayat, proviseur :

Pardonnez-moi d'avoir utilisé une tournure impersonnelle. Le proviseur ne remonte pas systématiquement l'information, qu'il peut sous-estimer, tandis que les nouveaux enseignants n'osent pas en parler en salle des professeurs - par peur d'être jugés - ni au chef d'établissement - car ils sont notés par lui. Ils restent en retrait, et nous n'apprenons que plus tard les souffrances que certains vivent.

J'ai été en poste dans un établissement du 14e arrondissement, dans un quartier regroupant d'un côté une communauté gitane sédentarisée, de l'autre une population maghrébine bien enracinée, qui se partageaient les commerces et s'affrontaient parfois violemment, avec des batailles rangées le week-end. À l'époque, au début des années 1990, le chef d'établissement pouvait faire venir un patriarche pour dialoguer avec la communauté gitane, inciter à la scolarisation des filles qui arrivaient... quand elles arrivaient. Mais nous n'avions pas ce type de référent pour la communauté maghrébine. J'ai fait un mémoire sur la communauté gitane que la hiérarchie a pris en compte : à la rentrée suivante, les deux communautés ont été réparties sur deux collèges différents, on m'a laissé les gitans.

Les chefs d'établissements sont parfois isolés parce qu'ils n'osent pas. L'accès au ministre est plus facile qu'on ne le pense. Au lycée Paul Bert, j'ai vécu le CPE (contrat première embauche) et la réforme de l'université, les premiers mouvements d'élèves et de lycéens dans la rue. Le CPE a été très violent : nous faisions face à des intrusions d'élèves, parfois de lycées voisins, armés de barres de fer. Forte de mes responsabilités syndicales, j'ai demandé audience au ministre, M. Gilles de Robien, auquel j'ai montré des photographies de ce que nous vivions, notamment de destruction de vitraux dans des établissements prestigieux. Finalement, il est plus facile de rencontrer le ministre que d'avoir un interlocuteur au rectorat ! J'ai usé ensuite un peu de cet accès au ministre, sans en abuser.

Madame Blandin, vous évoquez un autre temps, où les valeurs républicaines et l'autorité des enseignants n'étaient pas contestées. Ensuite, c'est devenu plus compliqué. Autrefois, les Capésiens suivaient dans les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) un enseignement administratif : on leur donnait une vision globale de ce qu'est réellement un établissement scolaire, de ses rouages, nous pouvions vérifier ces connaissances et y remédier. Puisqu'on a installé directement les enseignants stagiaires dans les établissements, laissons les chefs d'établissement les former jusqu'au bout. Ils le feront, car ils ont à coeur d'assurer la relève. Arrêtons de dire que les centres de formation forment les enseignants, ils sont focalisés sur les disciplines.

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