Intervention de Jean-Luc Domenach

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 février 2015 à 16h45
Chine — Audition de M. Jean-Luc Domenach directeur de recherche au ceri-sciences po

Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI-Sciences Po :

Je vous ai dressé un tableau très optimiste en général et assez louangeur de Xi Jinping. Je crois toutefois que sa politique régionale vaut un zéro pointé ! Xi Jinping étant remarquablement intelligent, il faut chercher à comprendre pourquoi... Il s'en rend certainement compte. La preuve en est qu'il a amélioré il y a quelques mois les relations de la Chine avec le Japon, que son Gouvernement avait bêtement gâchées à plusieurs reprises. Le comportement dont use la Chine avec ses voisins est un exemple de stupidité impérialiste. Je pense que Xi Jinping laisse les militaires faire. Il a besoin de l'armée, qui pèse très fort. Il faut donc lui accorder un bon budget de défense et lui permettre de traîner son sabre en procédant à des déclarations contre les voisins. C'est tout à fait désolant ! Sans cette explication, on aurait du mal à comprendre que quelqu'un d'aussi intelligent que Xi Jinping se soit comporté de manière aussi navrante avec les Japonais. Pour se fâcher avec eux, il faut vraiment le vouloir !

Il est par exemple incroyable de dire que le massacre de Nankin, dont les Japonais se sont rendus coupables en 1937, a provoqué 200 000 ou 300 000 victimes. C'est le massacre le mieux documenté au monde. Beaucoup d'étrangers, parmi lesquels un certain nombre de prêtres, ont tout noté. On connaît le nombre des victimes à quelques milliers près. On en dénombre 70 000 à 80 000. C'est déjà beaucoup, et il n'est pas nécessaire d'en raconter plus ! Cela reste un massacre commis pour l'essentiel à l'arme blanche, épouvantable.

De même, comment peut-on se fâcher avec le Viêt-Nam ou la Mongolie ? Normalement, les relations avec la Corée du Nord ne devraient pas soulever de problèmes : pourquoi les services secrets chinois se disputent-ils comme des chiffonniers à ce propos ? Tout cela est incroyable !

Je ne peux guère vous communiquer le chiffre du budget de la défense nationale, car personne n'en sait rien. De toute manière, tous les chiffres militaires, sans exception, sont faux !

La politique en Asie, tout autant que la politique à l'égard des affaires militaires, est accablante ; j'ajoute à propos de l'Asie un autre motif de désolation, ce sont les relations avec l'Inde. Quand l'Inde et la Chine pourront négocier ensemble, la face de toute cette partie du monde changera. Cela pourra d'ailleurs faire sens pour contrebalancer l'influence du Japon. Il faut toutefois commencer par parler poliment aux Indiens. S'il est une chose qu'on ne pardonne pas dans la vie, c'est d'avoir été battu. Or, lors de la guerre de 1962, l'Inde a été écrasée à plate couture par la Chine et ne le lui pardonne pas. Il faut donc qu'un dirigeant chinois se rende en Inde et propose de façon crédible à ce pays de tout oublier. Si la Chine satisfait la fierté de l'Inde, les conséquences mondiales seront considérables. Les relations entre la Chine et l'Inde représentent l'avenir. C'est une erreur de ne pas s'y mettre !

Quant à l'émigration, elle a souvent pour origine la recherche de compétitivité de l'appareil industriel. Les femmes en ont été les premières victimes, ce qui a finalement abouti au développement de la prostitution chinoise en Europe. Cette désolante réalité est un témoignage de la dureté de cette société, qui commence heureusement à se civiliser. D'ailleurs, l'Etat chinois ne voit pas grand inconvénient à cette émigration, dans la mesure où les cadres locaux en bénéficient financièrement...

Ceci m'amène à la question des relations avec la Russie et la Sibérie. Cela ressemble à un vieux film américain de gangsters, où les deux protagonistes se connaissent depuis les années 1950, s'apprécient, mais n'arrêtent pas de se rouler l'un et l'autre dans la farine ! Il ne faut surtout pas voir dans la relation sino-russe de grands projets stratégiques. La Chine progresse le long des vallées en Sibérie, et les Russes leur vendent leur pétrole et leur gaz le plus cher possible. Il existe un grand mépris réciproque !

Pour la Chine, il n'est pas de puissance qui ne soit pas assise sur une prospérité économique. Pour la Russie, la Chine a un comportement trop aimable avec l'Occident et avec les Etats-Unis.

Quant à la conférence climat de décembre, c'est très simple : qu'a-t-on à leur offrir ? Les Chinois ont compris que l'enjeu est important, mais ils vont vendre chèrement leur position. Après tout, on peut le comprendre. Les négociations ont donc commencé...

S'agissant de la Chine et de la Grèce, ce n'est pas parce que le régime grec a changé de têtes que l'intérêt de la Chine pour la Grèce a diminué, au contraire. S'il y a bien des partisans de Mme Merkel dans le dossier grec, ce sont les Chinois ! On peut penser que la Chine va s'intéresser de plus en plus près à la Grèce et acheter tout ce qu'elle pourra.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion