Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je remercie votre commission de son accueil.
Je consacrerai mon propos liminaire à l'Ukraine.
Le différend est officiellement né à propos des conséquences de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine. Les choses ont cependant dégénéré avec l'annexion de la Crimée et la présence de séparatistes à l'Est. Du différend, on est passé au conflit, puis du conflit à la guerre, par personnes interposées pour ce qui concerne les séparatistes.
Nous avons considéré, étant donné la situation géographique de l'Ukraine et son histoire, qu'il convenait de se mobiliser pour que ce pays conserve les meilleures relations possibles avec la Russie et l'Union européenne, ses deux voisines, sur la base du dialogue et de la fermeté. Dialogue parce qu'il n'est pas envisageable de faire la guerre à la Russie ; fermeté parce qu'on ne peut accepter les annexions internationales. Il nous restait donc à faire jouer la diplomatie.
Le Président Poutine et le Président Porochenko ne se parlant plus, le Président de la République et moi-même, en liaison avec le gouvernement allemand, avons décidé de relancer le dialogue. En effet, si les dirigeants ne communiquent plus, il n'y a pas de raison que les exécutants puissent s'entendre.
Nous avons donc bâti un plan pour sortir de cette difficulté. Je dois rendre ici hommage aux collaborateurs du Quai d'Orsay, qui ont beaucoup travaillé. Ce plan a ensuite été ajusté avec la présidence de la République, puis proposé à nos amis allemands.
Mme Merkel et le Président Hollande ont proposé leur texte à M. Porochenko. Ils ont également rencontré M. Iatseniouk. Le texte a été quelque peu amendé, avant d'être présenté à Moscou. C'est ce qui a permis d'organiser la réunion de Minsk, où nous avons discuté durant une longue nuit, pendant que les séparatistes siégeaient ailleurs dans Minsk, avec des représentants ukrainiens et la représentante de l'OSCE, Mme Heidi Tagliavini.
Deux problèmes sont apparus, le contrôle des frontières, et le sort des provinces de l'Est. Toute une discussion sémantique s'est ensuivie autour des notions de décentralisation, d'autonomie, ou de fédéralisme. On a finalement décidé de lister les compétences, afin d'éviter les problèmes de vocabulaire, ce qui ne règle pas la question sur le fond.
Compte tenu de la complexité du droit ukrainien, les discussions ont duré des heures. Tout le monde a cependant fini par se mettre d'accord.
Un autre élément de la discussion a porté sur le fait de savoir quand interviendrait le cessez-le-feu. M. Poutine eut aimé que le cessez-le-feu intervienne dix jours après notre réunion. Nous estimions quant à nous qu'il devait être immédiat. Les parties ont fini par se mettre d'accord sur un délai de deux jours. Le moment du cessez-le-feu détermine le retrait des armes lourdes et le début d'une série de discussions de fond.
Où en est-on au moment où je m'exprime ? Le cessez-le-feu est en général assez bien respecté, à quelques exceptions tragiques près, mais il existe un problème important au sujet de la poche de Debaltsevo, où l'on se bat actuellement très durement. Ceci peut avoir des conséquences humaines considérables pour les milliers de personnes présentes.
Marioupol connaît également quelques problèmes, mais je n'ai pas davantage d'informations à l'heure où je vous parle.
Les armes lourdes, d'une portée comprise entre cinquante et cent quarante kilomètres, devaient par ailleurs être retirées hier, à partir minuit, sous la surveillance de l'OSCE. Les deux parties rechignent cependant à s'exécuter tant que le cessez-le-feu n'est pas respecté.
Notre attitude politique et diplomatique consiste à continuer à faire pression, grâce au « format Normandie », afin de faire respecter l'accord de Minsk II. Toute une série de conversations ont eu lieu entre les quatre principaux responsables que sont les ministres des affaires étrangères et l'OSCE. L'OSCE, qui est beaucoup plus impliquée que dans l'accord de Minsk I, dispose de moyens supplémentaires, et joue un rôle très utile.
Le débat est par ailleurs remonté jusqu'à l'ONU pour que celle-ci « endosse » l'accord.
Nous allons continuer à exercer une pression par l'intermédiaire du « format Normandie », nous appuyer sur l'OSCE, et obliger autant que possible M. Poutine et les séparatistes à respecter leur signature.
Je ne vous cache pas ma grande inquiétude pour le sort des habitants de Debaltsevo. Comment faire pour qu'ils en sortent vivants et pour en extirper les armes lourdes ?
Telle est la situation à l'instant où je vous parle.