Intervention de Pierre de Villeneuve

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 mai 2015 à 9h02
Enjeux de l'assurance vie — Stabilité financière financement de l'économie concurrence réglementaire et fiscale en europe - Audition de M. Thomas Groh sous-directeur des assurances de la direction générale du trésor Mme Sandrine Lemery secrétaire générale adjointe de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution M. Bastien Llorca sous-directeur du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques et M. Pierre de Villeneuve président-directeur général de bnp paribas cardif

Pierre de Villeneuve, président-directeur général de BNP Paribas Cardif :

Merci de me faire participer à vos réflexions. J'espère pouvoir répondre à toutes vos questions, les différents thèmes que vous venez d'aborder étant très vastes.

Avant tout, je me dois de rappeler que la priorité de tout opérateur de marché est de répondre aux besoins de ses clients. Or, en France, ceux qui souscrivent des produits d'assurance vie sont essentiellement préoccupés par leur retraite ou par des transferts de capitaux dans des perspectives à long terme, ce qui nécessite une gestion diversifiée des produits comprenant des actifs à risques qui, indexés sur l'économie, permettent une surperformance par rapport à des véhicules financiers de rendement.

Cet objectif correspond exactement à l'intérêt économique et politique de la France. Nous avons en effet besoin, pour appuyer la croissance, d'actifs longs et d'actifs à risques. Pour cela, il nous faut des objectifs, des offres et un cadre réglementaire.

Dans nos activités, on ne peut avoir des actifs à risques que dans la mesure où l'on a des provisions permettant de mutualiser ces fameux risques entre les assurés. Notre métier consiste à gérer des mutualités. Nous le faisons pour les activités de prévoyance ; nous avons le même objectif pour les activités d'épargne.

Le bon exemple est ce produit par lequel la compagnie d'assurance garantit, moyennant le versement d'un capital, une valorisation régulière de celui-ci, compte tenu de la gestion financière qui est assurée en contrepartie. Pour garantir une valorisation régulière, indépendante des situations de marché, certains assurés vont contribuer positivement à la mutualité, alors que d'autres vont y contribuer négativement. Tout dépend du comportement des actifs boursiers au cours de la période d'exécution du contrat. Il me paraît important de le préciser, ce produit - qui est le plus répandu en France - n'étant plus le mieux adapté à la situation financière du moment.

En effet, pour continuer à garantir la valorisation du capital, on peut de moins en moins recourir à des actifs à risques. Il est donc très important de pouvoir innover et de proposer autre chose. C'est ce qui a été fait, conjointement avec le Trésor et le Parlement, grâce à la création du contrat euro-croissance, pour lequel la garantie à court terme est moindre : on ne garantit plus une valorisation régulière, mais à une certaine date. C'est grâce à cela que nous pouvons à nouveau utiliser des actifs bien plus diversifiés. Ce produit est donc bien mieux adapté à la situation présente.

Il revient aux assureurs de modifier leurs offres et de transférer une partie des engagements qui vont être de moins en moins performants vers la nouvelle formule, mieux adaptée au contexte financier. C'est un travail que nous avons entrepris.

BNP Paribas Cardif a commencé à développer cette formule, qui existait sous forme de contrats dits « diversifiés », qui ne présentaient que peu d'attrait, à un moment où les taux d'intérêt étaient élevés, ce qui a changé avec la baisse des taux. Nous n'avons pas attendu 2014 pour nous lancer dans cette activité, qui fonctionne, même si le produit est bien plus complexe et nécessite des investissements. L'an dernier, la France a connu un rythme de production de plus ou moins 50 millions d'euros ; nous sommes maintenant à 80 millions d'euros pour ce seul produit. L'ensemble du marché est en train d'y travailler.

Vous évoquiez des risques : nous avons le moyen de gérer cette situation de manière satisfaisante, tant vis-à-vis des assurés que des pouvoirs publics.

Quant au financement, dans la mesure où les offres vont être mieux adaptées à la diversification des actifs, nous devrions pouvoir contribuer de façon satisfaisante à l'attente des pouvoirs publics et à vos propres attentes. De nombreuses formules innovantes sont apparues sur le marché. Certaines viennent d'être évoquées. Les assureurs jouent le jeu et profitent bien entendu de toutes ces innovations, dans leur propre intérêt. Celles-ci contribuent à un marché plus mature, et offre davantage de formules ; à terme, même si ce n'est pas totalement évident au départ, tout le monde y trouvera un certain intérêt, grâce à une gestion tournée vers le long terme, sur des marchés de plus en plus liquides.

S'agissant du Luxembourg, il faut relativiser les choses : les sommes ne sont pas si importantes - même si on en parle beaucoup ! Pour moi, le grand attrait du Luxembourg s'explique par l'inquiétude suscitée par les dettes souveraines et la situation de l'euro. Certains souscripteurs - on peut le comprendre - ont considéré qu'il leur fallait se diversifier, au sein de la zone euro, dans des pays qui, de leur point de vue, leur paraissaient plus sûrs.

En 2012, le marché de l'assurance vie des compagnies luxembourgeoises est passé, en France, de 2,7 milliards d'euros à 5 milliards d'euros, soit un quasi-doublement. Nous ne sommes plus dans ce rythme de croissance. BNP Paribas Cardif est passé de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros en 2012. En 2013, nous n'avons réalisé que 900 millions d'euros de chiffres d'affaires, puis 800 millions d'euros en 2014.

On parle beaucoup du succès des produits luxembourgeois en France, mais celui-ci s'explique en grande partie par l'inquiétude suscitée par l'euro et par la confiance que l'on pouvait avoir dans l'économie française.

Par ailleurs, il existe au Luxembourg un superprivilège, le souscripteur passant avant l'État en cas de difficultés. Ceci a été mis en avant par les sociétés luxembourgeoises, qui ont profité de la période d'inquiétude.

On ne peut non plus négliger le savoir-faire des sociétés luxembourgeoises, l'asset management séduisant particulièrement les expatriés. Ces formules en devises intéressent une petite population, qui peut ainsi passer facilement d'un pays à l'autre.

Enfin, le Luxembourg a recours à des fonds internes, mais ceux-ci existent également en France. Cela ne constitue donc pas un vrai sujet, même si on l'évoque ici ou là.

En conclusion, l'offre dont dispose la France me paraît la plus riche au monde, les Français ayant accès à une gamme d'assurance vie extrêmement riche et sophistiquée.

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