Intervention de Bastien Llorca

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 mai 2015 à 9h02
Enjeux de l'assurance vie — Stabilité financière financement de l'économie concurrence réglementaire et fiscale en europe - Audition de M. Thomas Groh sous-directeur des assurances de la direction générale du trésor Mme Sandrine Lemery secrétaire générale adjointe de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution M. Bastien Llorca sous-directeur du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques et M. Pierre de Villeneuve président-directeur général de bnp paribas cardif

Bastien Llorca, sous-directeur du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques :

Quels avantages fiscaux peut-il y avoir à souscrire un contrat d'assurance vie au Luxembourg ? Ces avantages peuvent-ils justifier, par-delà les éléments invoqués par Pierre de Villeneuve, l'augmentation de l'encours français au Luxembourg ?

Du point de vue d'un contribuable respectueux du droit, il n'y a aucun avantage à souscrire un contrat d'assurance vie au Luxembourg, le droit fiscal qui s'appliquera étant nécessairement le droit français, qu'il s'agisse du revenu, de l'ISF ou des droits de succession - sauf quelque cas particuliers de personnes ayant une forte mobilité et pouvant bénéficier de régimes fiscaux spécifiques.

En revanche, il peut y avoir un avantage dans l'hypothèse où l'on souhaiterait éluder l'impôt et détenir des avoirs non déclarés à l'étranger, comme cela a existé en Suisse.

Y a-t-il un avantage plus important à souscrire au Luxembourg qu'ailleurs ? Probablement non, en ce sens qu'à l'heure actuelle, et jusqu'en 2017, l'administration fiscale n'a pas d'information sur les contrats d'assurance vie détenus au sein de l'Union européenne, puisqu'ils sont hors champ de la directive épargne sur l'information. Souscrire un contrat au Luxembourg plutôt qu'à Londres ou en Estonie - si tant est qu'il y ait des avantages à le faire - n'a pas d'intérêt en termes d'échange d'informations.

À compter de 2017, avec la réforme de la directive 2011-2016, l'échange automatique d'informations portera sur les contrats d'assurance et le Luxembourg sera dans le champ.

Grâce aux évolutions législatives adoptées par le Parlement, l'administration fiscale dispose désormais d'un délai de reprise de dix ans pour les avoirs non déclarés à l'étranger. À compter de 2017, nous disposerons d'informations importantes sur les contrats souscrits au Luxembourg ; nous pourrons dès lors plus aisément recouper les déclarations des contribuables, et éventuellement reprendre jusqu'en 2007 les avoirs qui ne nous auraient pas été déclarés.

Il n'y a donc pas d'avantages spécifiques, de ce point de vue, à souscrire des contrats au Luxembourg, sauf peut-être la proximité - ou si l'on ne souhaite pas déclarer. Malheureusement, à l'heure actuelle, le cadre international ne nous permet pas de disposer d'informations.

L'échange sur demande, qui aurait pu être un critère de localisation au Luxembourg du fait du secret, se pratique entre la France et le Grand-Duché depuis 2010, avec l'entrée en vigueur de l'avenant à la convention bilatérale franco-luxembourgeoise, même s'il est vrai que la réglementation interne de ce pays, jusqu'à la fin de l'année dernière, opposait un certain nombre de restrictions, que le Luxembourg vient de lever.

Un point vient d'être évoqué à propos de la possibilité de souscrire des contrats ou d'apporter des titres dans le cadre de contrats. Sur ce point, ma réponse sera proche de celle de Sandrine Lemery : l'administration fiscale n'a pas vocation à être l'interprète du droit assurantiel, peut-être encore moins que l'ACPR. S'il y a ambiguïté sur la possibilité ou non d'apporter des titres, il convient que les autorités compétentes - en l'espèce le juge de cassation - puissent trancher ce sujet. S'il était reconnu qu'il est impossible, au regard du droit français, d'apporter des titres dans un contrat d'assurance vie, je pense que l'administration fiscale aurait la même attitude que celle qu'elle a eue lorsque nous avons été confrontés, dans les années 2000, aux fidéicommis du droit anglo-saxon, les trusts. Nous écarterions donc le contrat, peut-être même sans avoir recours à l'abus de droit, pour constater la réalité des faits.

Dans le cas d'une transmission par décès, nous considérerions que les titres n'ont pu être transmis par voie de contrat, mais par legs ; dans ce cas, la transmission ne bénéficierait pas d'un régime favorable. L'administration fiscale n'est encore une fois ici que l'interprète au fiscal d'une position en matière de droit assurantiel, qu'il ne lui appartient pas de déterminer compte tenu de l'ambiguïté soulignée par Sandrine Lemery.

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