Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 juillet 2015 à 9h47
Loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 — Examen du rapport

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Compte tenu de l'actualité récente, nous évoquerons la situation en Grèce. Le sujet est très vaste, mais nous devons à tout le moins en envisager les conséquences budgétaires.

L'examen du projet de loi de règlement est un moment de vérité : si le projet de loi de finances est un exercice de prévision, la loi de règlement nous permet tout à la fois de juger la gestion du Gouvernement en 2014 et de préparer le budget de l'année à venir.

Tout d'abord un bref retour sur la conjoncture macroéconomique en 2014. La croissance s'est révélée plus faible qu'anticipé : elle n'a progressé que de 0,2 %, contre 0,7 % en 2013. Si bien que 2014 n'aura pas été l'année du léger rebond de l'activité, contrairement à ce qu'espérait le Gouvernement, qui avait initialement prévu une croissance de 0,9 %. La faible hausse du PIB observée au cours de l'année passée est essentiellement due à un relatif dynamisme de la consommation des ménages qui a évolué en lien avec le pouvoir d'achat, les salaires continuant à progresser en dépit du recul de l'inflation.

En 2014, l'indice des prix n'a crû que de 0,5 %, contre 0,9 % en 2013. Comme je l'avais montré lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le ralentissement de l'inflation est largement partagé par les pays à travers le monde, notamment en raison de la baisse des prix des matières premières. La presse a publié hier des graphiques éloquents. Toutefois, certains facteurs spécifiques à la zone euro, en particulier l'atonie de l'activité, viennent renforcer ce phénomène. La faiblesse de l'inflation en 2014 a eu des incidences négatives sur le redressement des comptes publics : le déficit public n'a reculé que de 0,1 point, passant de 4,1 % du PIB en 2013 à 4 %. Le déficit public étant toujours supérieur au déficit stabilisant (de 0,6 %), la dette publique a continué à croître pour atteindre 95,6 % du PIB. Nous avons souhaité, lors de l'examen du projet de loi de programmation, instaurer un mécanisme de « frein à la dette » au-delà de 100 % du PIB. Nous nous rapprochons inexorablement de ce seuil.

La France affiche l'un des déficits publics les plus élevés de la zone euro, où le déficit moyen était de 2,4 % du PIB en 2014, voire de l'Union européenne au sein de laquelle le déficit public s'élevait à 2,9 % en moyenne. Plus grave, l'écart entre le déficit français et le déficit moyen de la zone euro s'est creusé entre 2011 et 2014, passant de 1 à 1,6 point de PIB : les efforts consentis par la France n'ont pas été à la hauteur de ceux de nos partenaires européens.

L'ampleur limitée du redressement des comptes publics en 2014 est essentiellement imputable à la dégradation du déficit conjoncturel, qui désigne la part du déficit public que l'on peut attribuer aux évolutions de la conjoncture économique. En effet, celui-ci s'est dégradé de 0,5 point de PIB entre 2013 et 2014, venant minorer les effets de l'effort structurel consenti en 2014 de 0,5 point de PIB. Certes, cet effort structurel en 2014 a été significatif. Il est lié au ralentissement de la dépense publique, qui n'a progressé que de 0,4 % en volume, contre 1,1 % en moyenne par an en 2012 et 2013. Mais ce ralentissement est avant tout lié à un effet d'aubaine, lié à la décélération spontanée de certaines catégories de dépenses, en particulier le recul de la dépense des administrations publiques locales (APUL), qui a diminué de 0,3 %, après avoir progressé de 3 % en 2013. Les dépenses des collectivités sont donc extrêmement modérées, contrairement à ce qui peut parfois être lu dans la presse. Ce phénomène s'explique en partie par le « cycle électoral », les investissements des communes diminuant généralement l'année des élections municipales. Mais il n'est évidemment pas exclu que la baisse des dotations de l'État ait pu contribuer à cette dynamique. Autre effet d'aubaine : la charge de la dette a fortement baissé grâce au recul des taux d'intérêt, et ce malgré l'augmentation de l'encours de la dette.

Le Gouvernement peut donc difficilement affirmer que le ralentissement de la dépense publique est lié à une bonne maîtrise des dépenses et à la mise en oeuvre de réformes ambitieuses : des facteurs ponctuels lui ont été d'un grand secours.

En tout état de cause, la décélération de la dépense publique n'a pas permis de compenser la relative atonie des prélèvements obligatoires dans un contexte de faible croissance et de ralentissement de l'inflation. En effet, mesures nouvelles mises à part, ceux-ci ont progressé de 0,8 %, soit un rythme proche de celui du PIB en valeur. Les mesures nouvelles ont contribué pour 0,1 point de PIB à la hausse du taux de prélèvements obligatoires en 2014, jusqu'à un taux « record » de 44,9 % du PIB, du fait des augmentations des taux de la TVA et de cotisations vieillesse. Celles-ci ont été partiellement contrebalancées par la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Le déficit structurel a reculé de 2,6 % du PIB en 2013 à 2,1 % du PIB en 2014, soit un ajustement structurel de 0,6 point de PIB. L'effort structurel (de 0,5 point de PIB) recouvre des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, à hauteur de 0,15 point, et un effort en dépenses de 0,35 point. Il a donc reposé aux deux tiers sur les dépenses.

Le déficit structurel de l'exercice 2014 est moins dégradé (de 0,4 point de PIB) que la prévision de la dernière loi de programmation des finances publiques, qui a défini la nouvelle trajectoire de solde structurel. Toutefois, les déficits effectif et structurel pour l'exercice 2014 n'ont-ils pas été surestimés à la fin de l'année, afin d'afficher de « bons » résultats ?

Dans ces conditions, une comparaison avec la trajectoire de solde structurel est peu pertinente. Quoi qu'il en soit, le solde structurel constaté en 2014 fait toujours apparaître un écart d'un point de PIB avec la trajectoire de la précédente loi de programmation : le Gouvernement n'a que faiblement corrigé l'écart important identifié par le Haut Conseil des finances publiques. Nous avons eu ce débat avec Michel Sapin et Christian Eckert.

Pour finir ce tour d'horizon, il faut souligner que la dette publique a franchi, en 2014, le seuil fatidique de 2 000 milliards d'euros, soit 95,6 % du PIB. La progression observée par rapport à 2013, de 3,3 points, résulte du déficit primaire pour 1,8 point et pour 1,5 point de l'effet « boule de neige », ce qui signifie qu'une part significative du surcroît de dette résulte de la nécessité d'emprunter pour rembourser les emprunts contractés par le passé.

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