En réalité, un examen plus détaillé conduit à nuancer très fortement cette affirmation. Plus du tiers de la réduction de la dépense sur la norme « zéro valeur » ne provient pas d'un effort budgétaire de l'État, mais d'une contrainte accrue sur les dépenses des collectivités territoriales. Elles ont largement contribué à réduire le déficit public. En effet, près de la moitié de la baisse, soit 1,6 milliard d'euros, est liée à la réduction des prélèvements sur recettes dont 1,2 milliard d'euros d'économies provient de la diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales.
En outre, la sincérité des normes de dépenses est remise en cause par les nombreuses opérations irrégulières intervenues en 2014 au regard de la charte de budgétisation. Des irrégularités récurrentes ont trait aux comptes d'affectation spéciale et aux fonds de concours, pour environ 400 millions d'euros. Des transferts fiscaux aux collectivités n'ont pas été neutralisés, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Le programme des investissements d'avenir (PIA) a aussi été utilisé pour débudgétiser des sommes importantes, en particulier sur la mission « Défense ». Au total, plus de 2,5 milliards d'euros, soit 20 % des crédits du PIA, ont été substitués à des crédits budgétaires. Ces divers « tours de passe-passe » budgétaires ont permis au Gouvernement d'afficher une bonne maîtrise des dépenses, mais la somme de ces différentes opérations dépasse largement la diminution affichée. Cela laisse à penser qu'un calcul mené dans les règles aurait conduit à constater l'augmentation, et non la baisse, des dépenses sous norme de l'État.
Les dépenses de personnel ont recommencé à augmenter, à hauteur de 1 %. Cette hausse est portée par la reprise en base de l'exécution 2013 pour 272 millions d'euros, les effectifs étant finalement supérieurs au niveau de la loi de règlement pour 2013, avec un glissement vieillesse-technicité (GVT) solde sous-estimé. Les « autres variations » expliquent la hausse observée à hauteur de 195,3 millions d'euros, dont 182 millions d'euros de surcoûts OPEX. Cette évolution est d'autant plus inquiétante que la tendance à la hausse pourrait s'amplifier dans les années à venir : la programmation budgétaire s'appuie sur une prévision d'évolution à la baisse des « mesures diverses ». Mais celles-ci sont difficiles à maîtriser, comme en témoigne la stabilité des heures supplémentaires à l'éducation nationale malgré la hausse des effectifs, ou la récurrence des surcoûts liés aux OPEX.
Les économies faites en 2014 relèvent du « rabot » plus que de choix clairs. L'absence de réformes pérennes induit des risques budgétaires significatifs sur l'exercice 2015 et au-delà.
Les reports de charges se sont accrus : le Gouvernement repousse sur les années suivantes des dépenses inéluctables. Les dettes de fonctionnement, c'est-à-dire principalement les dettes envers les fournisseurs, ont augmenté de 30 % sur la seule année 2014 et s'élèvent désormais à 8,7 milliards d'euros. C'est un montant supérieur aux crédits alloués aux missions « Justice » et « Logement ». Les dettes de fonctionnement n'avaient crû que de 30 millions d'euros entre 2012 et 2013 et elles avaient diminué entre 2011 et 2012. Les charges à payer, un ensemble plus large que les seules dettes de fonctionnement, ont connu une hausse de 10 % et sont supérieures à 11 milliards d'euros. L'État a donc commencé l'année 2015 avec 11 milliards d'euros de charges résultant des exercices précédents.
Les recettes nettes (fiscales et non fiscales) de l'État, y compris les fonds de concours, ont atteint 291,9 milliards d'euros en 2014. Hors fonds de concours, elles se sont élevées à 288,3 milliards d'euros en 2014 contre 297,7 milliards d'euros en 2013. Cette baisse de 3,2 % est inquiétante : les recettes fiscales nettes ont été très inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale, à hauteur de 10 milliards d'euros. La diminution porte essentiellement sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. L'optimisme des hypothèses explique une fois de plus l'augmentation du déficit par rapport aux estimations initiales ; la montée en charge du CICE n'explique pas tout et la faiblesse des recettes fiscales ne résulte pas seulement de choix politiques.
Le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune a augmenté de 800 millions d'euros, soit 18,2 %. Cette hausse est liée à l'évolution dynamique des marchés financiers et des prix de l'immobilier, ainsi qu'à l'accélération des recouvrements issus du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).