Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 juillet 2015 à 9h47
Loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 — Examen du rapport

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Pour répondre à Vincent Delahaye, l'évaluation du déficit public concerne l'ensemble des administrations publiques. Sur un déficit public, sur l'ensemble des administrations publiques, de 84,8 milliards d'euros enregistré en 2014, le déficit de l'État en comptabilité générale (et non en comptabilité budgétaire) représente 74,7 milliards, en forte augmentation depuis 2013.

L'effet « boule de neige » vient de ce que l'emprunt nous sert à financer notre déficit primaire, mais aussi les emprunts qui arrivent à échéance : ce n'est pas seulement le capital qui doit être remboursé, mais aussi les intérêts qui doivent être financés. Cela implique que les nouveaux emprunts soient supérieurs à ceux qu'ils remplacent.

L'ampleur de la dette est effectivement inquiétante, je rejoins Serge Dassault sur ce point. Nous l'avons constaté lorsque nous avons reçu Anthony Requin, directeur de l'agence France Trésor. Avec une dette de l'État de plus de 1 600 milliards d'euros et un stock de dette de 2 000 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques, l'effet d'une hausse de 100 points de base serait supportable la première année, mais l'effet cumulatif à sept ans - la maturité moyenne de notre dette - serait catastrophique.

Éric Doligé s'interrogeait sur le report de charges des collectivités territoriales : si l'Insee comptabilise la dette des collectivités territoriales, nous ne disposons à l'échelle nationale d'aucune évaluation sur le report de charges au niveau local.

Claude Raynal a évoqué la « cagnotte » du gouvernement de Lionel Jospin : celle-ci n'était pas un fantasme, les recettes étaient bel et bien très supérieures aux prévisions et c'est d'ailleurs la commission des finances du Sénat qui l'avait mis en évidence.

La comparaison avec nos voisins européens est également préoccupante. Alors qu'ils ont tous fourni des efforts supplémentaires, la France a laissé filer son déficit.

Concernant la question de François Marc, je ne vois pas quelles évolutions techniques expliqueraient la hausse de la dette de fonctionnement. Il s'agit sans doute d'un choix assumé !

Plusieurs collègues ont souligné que la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État, garantissant qu'ils ne comportent pas d'irrégularités. Cependant, elle a aussi signalé un recours important à des débudgétisations et un report de charges accru. S'il n'y a certes pas d'insincérité comptable, le Gouvernement a usé d'artifices budgétaires.

Marie-France Beaufils a relevé que la hausse du déficit est avant tout liée à la faiblesse des recettes. Le CICE a coûté 9,9 milliards d'euros en 2014 ; c'est un choix politique. En revanche, les moins-values de l'IR et de l'IS par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2014 résultent uniquement de l'optimisme du Gouvernement en matière de prévisions de l'impôt. Quant aux emplois non pourvus, si l'on se réfère ainsi aux schémas d'emplois et non aux plafonds, il semblerait qu'on compte, en réalité, 700 ETP dont la création était prévue en 2014 et qui n'ont pas vu le jour.

Les dépenses d'investissement représentent 3,2 % du budget de l'État : la quasi-totalité des dépenses sont donc de fonctionnement. Les collectivités assurent l'essentiel de l'investissement public.

L'exposé de l'Agence France Trésor était très éclairant quant aux risques liés à la dette. Je n'ai jamais dit que les comptes de l'État, joints à la loi de finances, étaient insincères. Mais quand nous nous comparons à nos voisins européens, le constat est sans appel. Notre taux de dépense publique est deux fois plus élevé que la moyenne de la zone euro. Nous avons le troisième déficit de la zone euro. Sur la période récente, la France a fourni moins d'efforts que ses voisins.

Malgré les changements ministériels soulignés par Philippe Dominati, la ligne politique n'a pas manqué de constance, privilégiant le recours à des mesures de régulation comptable plutôt que la mise en oeuvre de réformes de structure.

J'emprunte au rapport de la Cour des comptes ses têtes de chapitre pour rappeler les trois arguments qui me conduisent à vous recommander de ne pas adopter cette loi de règlement. La réduction du déficit budgétaire de l'État a été interrompue en 2014. La dette de l'État continue à augmenter à un rythme soutenu. Les recettes fiscales sont à nouveau inférieures aux prévisions. Dans la situation incertaine où se trouve l'Europe, une telle politique n'est pas responsable.

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