Intervention de Patrice Gélinet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Table ronde sur la radio

Patrice Gélinet, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Je vous remercie, madame la présidente. Depuis que l'on m'a proposé, à mon arrivée au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la responsabilité du groupe de travail sur la radio qui s'occupe des neuf cents radios qui existent en France, j'ai pu me forger une idée plus précise de l'avenir du paysage radiophonique que celle que j'en avais au moment de ma nomination. Je me souviens plus particulièrement d'une réunion, à l'Assemblée nationale, en date du 15 février 2011, qui portait sur la RNT, technologie sur laquelle je n'avais, à l'époque, que peu d'informations. J'ai pu mesurer depuis les enjeux de cette technologie qui ne fait pas consensus parmi les acteurs du paysage radiophonique et observer, dans le même temps, les exemples étrangers de son déploiement. J'en suis arrivé à la conclusion que son développement s'avérait nécessaire pour que la radio ne reste pas le seul média à ne pas connaître la diffusion numérique et que la France demeure le seul pays d'Europe avec le Portugal à ne pas s'être engagé dans l'aventure du numérique terrestre. Le rapport dont j'ai assumé la réalisation sur l'avenir de la radio et la place de la RNT parmi les autres modes de communication, prévoit le lancement, cette année, de nouveaux appels d'offres en RNT s'ajoutant à ceux déjà lancés à Paris, Marseille et Nice. Ce rapport a été rédigé à l'issue d'une vaste concertation avec l'ensemble des acteurs du paysage radiophonique et prend également en considération l'opinion des acteurs qui n'ont pas voulu répondre aux différents appels lancés depuis 2008.

Les opérateurs, qui expriment leur scepticisme face au déploiement de la RNT, énoncent plusieurs arguments à savoir, d'une part, leur refus d'une double diffusion dans la mesure où subsistent les fréquences hertziennes, et ce, bien que la plupart d'entre eux diffuse encore leurs programmes en grandes ondes. Ils soulignent, d'autre part, l'échec de la RNT partout où elle est déployée et enfin la concurrence de ce mode de diffusion avec le réseau Internet.

Notre rapport tient compte de ces objections, tout en y apportant un certain nombre de réponses. Ainsi, il n'est pas question de nier le succès de l'usage d'Internet, auprès des jeunes notamment, pour écouter la radio mais il incombe en définitive à l'auditeur d'exercer son libre choix quant au mode d'écoute. À cet égard, le faible nombre d'auditeurs de la radio par la RNT est à mettre au compte de l'offre trop faible de cette technologie limitée aux trois villes que sont Paris, Marseille et Nice, lorsqu'il n'est pas tout simplement dû à l'absence d'information sur son existence ! Le déploiement de cette technologie devrait permettre aux auditeurs d'en mesurer les avantages, à savoir la qualité sonore, les données associées, la gratuité et l'anonymat ; ces deux derniers points la différenciant de l'Internet.

Quel est l'intérêt pour les radios et les grands groupes de s'y opposer ? La RNT représente un moyen de recevoir la radio dans des lieux où la modulation de fréquences n'est pas disponible. La situation qui prévaut dans la ville de Strasbourg, qui a prévu un appel après les consultations nécessaires et la conduite d'une étude d'impact, est emblématique de l'absence des nombreuses antennes : RMC, Chérie FM, FIP, Mouv', Fun radio ou RTL2. Pourquoi certains grands groupes ne participent-ils pas à cette démarche ? Le motif d'un coût trop élevé, qu'ils invoquent, ne tient pas, puisqu'il s'avère bien moins onéreux que celui de la diffusion sur les grandes ondes et sur la FM. Le coût de la RNT est estimé à 10 000 euros par an, par zone et par radio. En outre, les appels que nous avons lancés demeurent locaux et permettent ainsi d'éviter l'écueil d'une double diffusion de grande ampleur laquelle, si elle était lancée au niveau national, pourrait effectivement occasionner un surcoût et excéder les capacités d'investissement des radios.

Le problème de l'insuffisance du nombre des récepteurs demeure, mais celui-ci relève de la loi. En effet, au-delà d'une couverture de 20 % de la population nationale, les fabricants sont contraints d'intégrer la capacité de recevoir la RNT dans les récepteurs.

Enfin, certains opposants font remarquer l'absence de réussite de la RNT dans les autres pays. Cet argument demeure spécieux dans la mesure où celle-ci progresse partout ailleurs, fût-ce même lentement. La Norvège, qui a fait le choix de la RNT voici vingt ans, a décidé de basculer complètement de l'analogique à la RNT en 2017.

Pour toutes ces raisons, le CSA est déterminé à poursuivre le déploiement de la RNT, pas seulement parce que la loi l'exige ou pour dépasser le clivage entre les partisans et les opposants à cette technologie, mais aussi pour répondre aux besoins des auditeurs.

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