Intervention de Emmanuel Boutterin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Table ronde sur la radio

Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres :

Notre secteur rassemble 45 % des emplois relevant du régime de la convention collective nationale de la radio diffusion privée, soit 2 400 emplois et 440 journalistes professionnels. Notre syndicat rassemble 620 TPE, qui comptent, en moyenne, 4,5 salariés équivalents temps plein, dont quelque 590 sont partiellement subventionnées par le fonds de soutien à l'expression radiophonique, en contrepartie de missions de service public sur les territoires qu'ils soient urbains ou ruraux.

Nous fondons notre légitimité sur les articles 29 et 80 de la loi de 1986. L'article 29 ouvre la possibilité pour la radiodiffusion de l'économie sociale d'exploiter une part significative des fréquences. Nous exploitons ainsi 900 fréquences sur les 7 000 disponibles en France métropolitaine et dans les départements ultramarins.

Votre audition publique est essentielle au débat en cours sur le devenir de la radiodiffusion et de la radio numérique terrestre. Cette dernière reflète la volonté du législateur, en 2007, de justifier la présence de la radiodiffusion sur une nouvelle bande de fréquences qui lui était allouée, en l'occurrence la bande 3. En dépit de cette richesse, trop de radios demeurent à ce stade limitées dans leur développement en raison de la pénurie de fréquences qui frappe l'ensemble des radios.

Mme Christine Albanel déclarait également en 2007 que le numérique représentait une formidable opportunité pour la radio, mais induisait un coût supplémentaire sans pour autant être excessif.

Vous êtes en mesure, mesdames et messieurs les sénateurs, de donner une impulsion favorable au développement de la radio. Il ne s'agit pas d'une opposition entre, d'une part, l'usage de l'Internet et des réseaux sociaux et, d'autre part, la RNT. Les éditeurs utilisent, en effet, avec des fortunes diverses, les plateformes Internet. Mais la RNT désigne une nouvelle bande de fréquences sur laquelle chacun a la faculté de développer des services supplémentaires ou ses propres services. En ce sens, personne n'a évoqué l'extinction de la FM pour ceux qui souhaitent y demeurer. Pourquoi une telle bataille de légitimité puisqu'il n'y a aucune obligation et que ces légitimités peuvent se compléter ?

Cette situation est analogue à ce que nous avons vécu depuis mai 1981, avant que chacun ne trouve le modèle économique idoine lui permettant de conforter sa position. Car comme le déclarait encore Mme Christine Albanel, il n'y a plus de possibilité pour de nouveaux acteurs créateurs de richesses et d'emplois de se développer sur la FM. Et je parle bien ici d'une filière créatrice d'emplois ! En effet, il n'y a pas d'opposition entre le modèle IP et la diffusion enrichie numérique par rapport à un mode d'écoute en FM qui commence à se scléroser pour des motifs que vous avez soulignés, madame la présidente, tout comme d'ailleurs M. Patrice Gélinet !

Cette technologie correspond aux nouveaux modes d'écoute des jeunes générations et assure l'adaptation de la FM à leurs attentes. Pourquoi les acteurs de la télévision ont-ils bénéficié d'un soutien généralisé, tandis que les acteurs de la radiodiffusion ont été freinés d'une manière inacceptable depuis 2007 ?

Comme vient de le souligner M. Mathieu Quétel, si les diffuseurs et les éditeurs que nous sommes, ne renforçons pas notre présence par la diffusion, qu'elle soit numérique ou analogique, nous allons perdre toute capacité de négociation avec les opérateurs qui ont intégré les plateformes de diffusion de l'Internet. Nous n'avons aucun autre moyen pour défendre nos 7 000 emplois, car la grande majorité de nos adhérents sera privée des moyens de valoriser leurs productions radiophoniques si nous nous sclérosons sur la bande FM !

Je formulerai, pour terminer, trois préconisations : l'Union européenne de la radiodiffusion (UER) a lancé une opération à laquelle, malheureusement, le Groupe Radio France ne participe pas, dénommée « Smart-Radio » afin de convaincre les industriels de réinstaller le procédé permettant de capter les ondes hertziennes depuis les téléphones mobiles, comme il était possible avec les appareils des générations antérieures. Les services publics européens allemand, britannique et suisse tentent de convaincre les législateurs européens d'imposer aux fabricants de réintégrer les puces permettant de capter l'hertzien. Cette démarche de lobbying est bien celle de la dernière chance. Une telle situation témoigne du refus des industriels de l'Internet et de la téléphonie de nous laisser exercer notre métier d'éditeur sur la bande hertzienne.

Ma deuxième préconisation concerne le financement des radios associatives qui est assuré par les fonds publics du ministère de la culture. Il importe aussi de financer la double diffusion et ce soutien est limité puisqu'il se monte à quelques dizaines de milliers d'euros par an sur cinq ans et ne concerne, en définitive, que quelques dizaines d'éditeurs en fonction du calendrier de déploiement. Cette situation appelle un geste fort du Gouvernement !

Ma troisième et dernière proposition concerne la RNT. La TNT a bénéficié d'une volonté politique d'assurer la mutation du média en dépit des résistances, la RNT, quant à elle, semble en être privée. Donnons-nous les moyens de la réussir, à la suite du CSA et des 101 éditeurs qui, avec courage, ont commencé à émettre depuis un an. D'ailleurs, Mme Laurence Franceschini a honoré sa promesse de soutien, mais nous attendons un geste politique fort pour maintenir nos activités et nos emplois dans cette filière.

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