Intervention de Iannis Roder

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 avril 2015 à 9h00
Audition de M. Iannis Roder professeur agrégé d'histoire et géographie auteur de tableau noir la défaite de l'école août 2008

Iannis Roder, auteur de Tableau noir, la défaite de l'école :

Le travail n'est pas fait, mais ce n'est pas sanctionné. Mais je dois aussi dire qu'en 3e ou en 4e, j'ai des élèves que je ne note plus, parce que ce n'est pas possible, ils auraient un de moyenne. Je ne les évalue plus que sur quelques compétences. À côté de cela, j'ai des élèves brillants. Il faut tenir compte, aussi, de cette réalité-là. L'évaluation n'est pas une sanction, il faut être bienveillant, voilà ce que l'on nous répète en permanence.

J'en viens à la formation des enseignants. La formation initiale doit être repensée à l'aune des préoccupations qui sont les nôtres. Les jeunes enseignants ne sont pas préparés à ce qui les attend, ni à répondre à des questions qui peuvent être extrêmement déstabilisantes. Je suis en train de réfléchir à des modules qui devraient, à mon sens, être mis en place au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), et qui partent de mises en situation, de jeux de rôle sur des problématiques préalablement identifiées. Un élève vous dit que la Seconde Guerre mondiale, c'est la faute des juifs, que répondez-vous ? « La laïcité, m'sieur, c'est la haine de l'islam » : que répondez-vous ? Quand je suis arrivé en Seine-Saint-Denis, j'ai pris ces questions en pleine figure. Je ne m'y attendais pas. Je sais y répondre, à présent. La semaine dernière, un élève m'expliquait, selon la bonne vieille théorie du complot, que le 11 septembre, c'était un coup des Américains et consorts. « J'en fais donc partie, moi aussi ? » lui disais-je. « Non, m'sieur, vous, vous êtes manipulé. » Je sais, là-dessus, mener la discussion et ne pas me mettre dans une posture de conflit, qui n'aboutit à rien. Il faut être dans l'écoute, considérer ce qu'ils ont à dire, parce qu'il est important que la discussion ait lieu, non seulement pour l'élève, mais pour tous les autres, qui écoutent. Je préconise donc une formation mieux axée sur la réalité du terrain, et qui passe par de véritables jeux de rôles. De jeunes enseignants qui sortent de la Sorbonne ou de Sciences Po n'y sont pas préparés.

Cela étant, je ne pense pas que le métier soit idéalisé. On parle beaucoup, publiquement, des difficultés du métier d'enseignant, et les jeunes qui préparent les concours savent qu'ils vont passer au moins sept ou huit ans avec des classes difficiles. Ils savent aussi ce que sont les salaires, sans commune mesure avec ce qu'ils peuvent être ailleurs en Europe.

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