Intervention de Iannis Roder

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 avril 2015 à 9h00
Audition de M. Iannis Roder professeur agrégé d'histoire et géographie auteur de tableau noir la défaite de l'école août 2008

Iannis Roder, auteur de Tableau noir, la défaite de l'école :

Cela fait quelques années déjà que ce n'est plus le cas. Dès lors que les enseignants sont considérés et payés comme ils le sont, il ne faut pas s'étonner qu'un étudiant qui a un bac + 5 en mathématiques choisisse une autre orientation.

Quant à la formation continue, elle doit être accentuée. Il faut donner aux enseignants non des recettes, parce qu'ils savent faire, mais des contenus. Comme pour la formation initiale, il faut aborder certaines questions. Qu'est-ce que la laïcité, par exemple. Dans mon établissement, la minute de silence a été émaillée d'incidents. Je ne sais pas de quoi on parle quand on fournit le chiffre officiel de 200 incidents au niveau national, mais si l'approbation de ce qui s'est passé le 7 janvier est considérée comme un incident, on doit être, dans mon seul établissement, à 40 ou 50. Il faut dire que sur les trente-cinq enseignants qui étaient présents ce jour-là, huit seulement avaient parlé à leur classe la veille. Pourquoi les autres ne l'avaient-ils pas fait ? Tout simplement parce qu'ils ne se sentaient pas armés. Cela n'est pas difficile pour un professeur d'histoire-géographie de parler de laïcité, mais les autres ne s'en sentent pas capables, et ils ont peur de se mettre en danger face à la classe.

Quand je parle de symptôme à propos de l'école, je veux dire que les élèves ne laissent pas leur vécu au vestiaire. L'incapacité qu'ont certains à se concentrer, à lire convenablement, à avoir un vocabulaire et un niveau de langue adaptés relève de problèmes psychosociologiques qui ne sont pas traités, et dont le collège n'est pas responsable. J'ai animé l'an dernier une réunion de bassin de professeurs du premier degré et des collèges. J'ai découvert que mes collègues du premier degré sont totalement désemparés, face à des classes qu'ils n'arrivent plus, physiquement, à gérer. Ils ont face à eux des gamins dans un syndrome que l'on appelle en psychiatrie de toute puissance, incapables de se maîtriser, d'écouter, d'accepter ce que dit un adulte. Ces enfants ne peuvent pas se mettre en situation d'apprentissage. Cela relève de troubles socio-psychologiques, que l'école ne traite pas, ni les services sociaux - il faut un an, dans les structures publiques, pour obtenir un rendez-vous chez un psychologue.

Les problèmes arrivent à l'école avec les élèves. Que peut faire l'école face à cela ? L'un de mes élèves qui est passé devant le conseil de discipline est un gamin qui, à quatorze ans, est incapable de tenir dix secondes en place. Vous n'imaginez pas ce que cela peut être. L'une de mes collègues me le décrivait comme « celui qui est toujours en colère ». Ce sont des enfants dont on peut imaginer que leur psychisme est extrêmement fragile. Qu'il y en ait deux ou trois dans une classe, et l'on ne peut plus rien faire. D'autant que l'on nous recommande de ne pas mettre les élèves turbulents à la porte, mais de les garder en classe.

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