L'État n'a pas eu recours, sur le dossier Uramin, à des consultants : il a eu accès aux documents fournis au conseil de surveillance par Areva, qui a en effet eu recours à des conseils financiers. S'agissant d'une opération conduite par l'entreprise, il était logique qu'elle soit appréhendée par l'APE à travers les organes sociaux de l'entreprise.
Nous ne partageons pas l'analyse de la Cour des comptes, qui conteste le recours que nous faisons aux 5° et 7° de l'article 3 du code des marchés publics (CMP). Nous considérons en effet que dans un certain nombre de cas nous pouvons nous exonérer du recours à l'appel d'offre.
Le 5° de l'article 3 exonère d'appel d'offre les marchés de services financiers relatifs à la vente d'instruments financiers. La Cour des comptes considère que les marchés de conseil liés aux services financiers n'entrent pas dans le champ de cette dérogation. Telle n'est pas notre interprétation. Nous considérons bien sûr que l'emploi de cette disposition doit se limiter aux titres côtés, mais nous estimons que nous pouvons y recourir tant pour les opérations de placement que pour les missions de conseil, lesquelles ne sont qu'un accessoire aux opérations de placement - comme en atteste la structure des rémunérations, très faibles pour le conseil et beaucoup plus substantielles pour le placement, puisque nous proposons à la banque un partage de la rémunération à la performance et du prix de cession au-dessus d'un prix garanti minimum obtenu à l'issue d'un appel d'offre. J'insiste par ailleurs sur le fait que pour l'opération de placement elle-même, qui a un impact patrimonial puisqu'il s'agit d'obtenir le meilleur prix pour le placement du titre, nous faisons des appels d'offre totalement ouverts.
Nous divergeons également dans l'interprétation du 7° de l'article 3, relatif aux marchés secrets, qui exonère d'appel d'offre les opérations mettant en jeu les intérêts essentiels de l'État. En attendant la transposition de la nouvelle directive sur les marchés publics, il n'est pas établi qu'il faille réserver le recours à cette disposition aux seuls marchés de défense. Nous considérons, pour notre part, que les intérêts essentiels de la nation peuvent être des intérêts de nature stratégique et économique et que nous pouvons, dans certains cas, recourir à cette disposition pour nos opérations.
Nous n'en avons pas moins réfléchi aux procédures alternatives proposées par la Cour des comptes, mais le fait est que nous nous heurtons à la fois à des principes constitutionnels et à des principes européens. Le principe constitutionnel de préservation des intérêts patrimoniaux de l'État nous interdit de céder un actif en dessous de sa valeur fondamentale. Or, si nous lançons un appel d'offre afin de recruter un conseil pour préparer une opération de cession, nous savons que le cours risque de chuter.
Nous sommes également soumis aux exigences européennes liées à la directive « transparence » et à la directive « abus de marché » : on ne saurait manipuler une information privilégiée sans prendre des précautions extrêmes. Or, dans la plupart des cas, c'est le contenu même de l'appel d'offre qui constituerait une information privilégiée.
Toutes ces raisons font que l'on voit mal comment on pourrait éviter de s'exonérer, dans un certain nombre de cas, d'appel d'offre. La Cour des comptes estime que le recours à un accord-cadre nous permettrait de recruter un panel de conseils. Mais pour recourir à l'un d'entre eux sur un projet spécifique, il n'en faudrait pas moins passer un appel d'offre. Quant à la solution des marchés à bon de commande, que nous avions explorée et qui permettrait de lancer, en début d'année, un appel d'offre sur l'ensemble de nos participations pour retenir ensuite un conseil, utilisé en tant que de besoin, sur chacune d'entre elles, elle n'est pas praticable : en effet, lorsque nous retenons un conseil, nous lui demandons de s'abstenir de tout conflit d'intérêt pendant l'exécution de la mission et dans les douze mois qui suivent son exécution. Or il est impossible d'offrir à un conseil un contrat qui ne lui garantit pas d'avoir un bon de commande, tout en exigeant de lui qu'il gèle ses autres mandats - sauf à le payer très cher.
En bref, nous n'avons pas trouvé de solution alternative à celle que nous mettons actuellement en oeuvre. Nous sommes prêts à poursuivre le dialogue avec la Cour des comptes.