Intervention de Ségolène Royal

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 23 juin 2015 à 16h30
Audition de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Ségolène Royal, ministre :

Madame Tocqueville, vous avez raison de souligner que les pollutions frappent d'abord les agriculteurs. C'est resté longtemps tabou. Pourtant les élus ruraux, dont j'ai fait partie en tant que députée des Deux-Sèvres, voyaient les statistiques de la mutualité sociale agricole et savaient déjà que les taux de cancers étaient plus élevés chez les agriculteurs et les viticulteurs. Heureusement, ces informations sont mises sur la table aujourd'hui. Un rapport a été récemment rendu sur les malformations génitales sur les bébés nés dans les zones où l'on recense beaucoup d'utilisations de pesticides. Dans certaines régions de France aussi, l'âge de la puberté a diminué et on sait aujourd'hui que c'est lié à l'usage de produits phytosanitaires. Il faut accélérer la transition agricole vers une agriculture verte, en particulier dans la viticulture. Il est évident qu'un jour, tous les vignobles seront bio. Aujourd'hui, même les grands crus évoluent vers le bio. J'ai récemment visité une exploitation viticole bio, dont le viticulteur me disait que ses enfants pouvaient enfin jouer dans les vignes.

Monsieur Chiron, la prime de 10 000 euros ne peut malheureusement pas s'appliquer aux systèmes d'auto-partage de véhicules électriques, tout simplement parce que cette prime exige en contrepartie la mise à la casse d'un vieux véhicule diesel. Mais pourquoi ne pas regarder effectivement ce que l'on peut faire pour avantager, y compris fiscalement, ce type de dispositifs ?

Monsieur Nègre, vous connaissez bien le sujet des pollutions intérieures. Il ne faut pas le laisser de côté, notamment avec le problème des revêtements de sols, des peintures, d'utilisation des produits de nettoyage qui contiennent des néonicotinoïdes. J'ai fait faire un guide pratique sur le choix des revêtements, des produits d'entretien, pour qu'on ne puisse pas s'intoxiquer sans le savoir. Tous les gestionnaires de lieux d'accueil du public doivent être correctement informés. Les particules fines, vous avez raison, doivent faire l'objet de mesures spécifiques. Sur le financement de l'Afitf, la taxe de deux centimes est maintenue. Sur la question des seuils sociaux, votre observation est judicieuse, nous en avions déjà parlé et je l'ai transmise au ministre concerné pour pouvoir vous apporter une réponse.

Madame Didier, nous aurons le rapport de l'Anses en début d'année prochaine. Oui, les transports ferroviaires font partie des transports propres. Et j'ajoute que le fret ferroviaire doit se développer. Enfin, le suivi des mesures pourra être fait dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Je vais faire en sorte que tous les décrets d'application du volet transports de la loi de transition énergétique soient prêts au moment de sa promulgation.

Monsieur Bourquin, merci pour vos encouragements. Il est évident qu'il faut aller plus loin sur ces produits et je crois que nous avons un rôle pédagogique à jouer. Les collectivités doivent s'engager sur l'appel à projets « Territoires terres saines ». J'ai également lancé l'élimination des pesticides sur tous les bords de routes nationales, avec des pratiques de fauche tardive. Figurez-vous que la superficie de la totalité de ces bordures est équivalente à celle de la totalité des parcs nationaux. Il est évident, oui, qu'il faut retravailler sur les aides européennes. J'observe d'ailleurs qu'au niveau européen, les ministres de l'environnement poussent pour des mutations de l'agriculture verte. Enfin, sur le traitement des grumes, ces produits sont hautement toxiques et il est vrai que dans les plans locaux de diminution de la pollution, ces sujets ne doivent pas être oubliés. Sur le diesel, soyons clairs, un véhicule diesel Euro 6 n'est pas moins polluant : il émet moins de CO2, mais plus de particules fines et d'oxydes d'azote. N'opposons pas le diesel à l'essence : il faut préparer l'après-pétrole.

Madame Keller et monsieur Grosdidier, vous avez évoqué l'écotaxe. Effectivement, je rappelle que l'écotaxe impliquait un minimum de 25 % de coûts de fonctionnement. Je ne reviens pas sur les défauts de ce système qui était une usine à gaz, sans parler des émeutes en Bretagne. Il y a une solution : la mise à disposition de ces portiques aux régions et aux départements concernés. La région Ile-de-France a déjà fait cette demande. L'avantage sera que ces régions pourront prélever directement les taxes au passage sous le portique. Dans un premier temps, il y a la taxe de deux centimes sur le gazole et dans un second temps, la mise à disposition des portiques pour les départements et les régions qui le souhaitent.

Sur la loi Macron, il faudra effectivement que ces bus et cars soient des véhicules propres.

Sur le véhicule écologique, nous nous sommes inspirés de votre rapport conjoint avec Denis Baupin, et dont je vous félicite, pour le volet transports de la loi transition énergétique et le déploiement des bornes de recharge. C'est la civilisation de la ville qui est en jeu.

Monsieur le président, le plan de réduction des émissions de polluants constitue la stratégie nationale en faveur de la qualité de l'air pour la période 2016-2020. Des réflexions sont engagées depuis la fin de l'année dernière. Le comité de pilotage s'est réuni plusieurs fois. Il y a eu un point d'étape que je pourrai vous communiquer et qui a été présenté au Conseil national de l'air du 2 juin. Aujourd'hui nous avons des réunions sectorielles, avec une finalisation au 30 juin 2016. Quatre groupes de travail sont mis en place d'ici là : comment offrir des avantages aux utilisateurs des véhicules les moins polluants grâce aux certificats de la qualité de l'air ; comment encourager les élus locaux à s'engager à travers les appels à projets ; quel cadre pérenne peut-on donner à la lutte contre la pollution grâce aux mesures du projet de loi de transition énergétique. Je vais repréciser les données, le calendrier et les échéances pour vous les communiquer.

Sur le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, il y a actuellement les subventions de l'Etat à hauteur de 17 millions d'euros par an, les subventions des collectivités territoriales à hauteur de 14 millions d'euros par an, les dons effectués par les industriels qui donnent droit à déduction du montant de la taxe générale sur les activités polluantes. Leur budget annuel de fonctionnement est de l'ordre de 45 à 50 millions d'euros. Je compte sur votre soutien sur ces éléments à l'occasion du vote du budget. Mais cela veut dire qu'en contrepartie, nous sommes fondés à demander à ces associations un suivi de leurs actions et une évaluation de leurs travaux.

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