Je pourrais reprendre quasi intégralement, hormis la remarque de M. Longuet sur le côté joyeux de votre intervention, les propos de mes collègues.
On peut partager un certain nombre des constats que vous avez posés : le nombre trop élevé d'élèves dans les classes pour permettre un enseignement personnalisé, la nécessité d'une autorité, le rôle du chef d'établissement, etc. Pour autant, votre approche de la situation de l'éducation nationale n'est pas la même que la nôtre certainement en raison du fait que nous incarnons des générations différentes.
Mes collègues et moi sommes membres du Sénat : c'est une fonction politique, et non un métier. Nous avons tous exercé des métiers par ailleurs, parfois jusqu'à très récemment. Parmi nous, on trouve des enseignants, notamment du supérieur ou du secondaire, et force est de constater que nous ne nous sommes pas reconnus totalement dans le tableau que vous avez dépeint.
Je passerai sur certaines antinomies qui ont été relevées par mes collègues. Je voudrais relever que les enseignants, dont vous faites partie, sont fonctionnaires. Ils ont une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Les enseignants ne sont pas des libéraux. Vous évoquez l'atteinte à la liberté pédagogique que constitue l'obligation de travailler en équipe, laquelle reviendrait à nier votre identité de professeur : mais, monsieur Bonod, ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas comme cela que nous concevons - et nous sommes nombreux - le métier d'enseignant.
L'enseignant, ce n'est pas juste une singularité devant une classe : c'est cela, mais bien autre chose. Il faut des transversalités. Il faut que l'émancipation, qui est le rôle de l'école, soit aussi construite dans la collégialité, car nul ne détient l'intégralité de la possibilité d'émancipation.
Cela signifierait que vous êtes opposé au fait que certains enseignants travaillent ensemble pour faire face aux difficultés, que des professeurs de philosophie s'associent à des professeurs de biologie pour montrer les corrélations entre leurs deux matières. J'avoue que je ne comprends pas votre propos. J'aimerais que vous nous apportiez quelques précisions, car, après vous avoir entendu, j'ai l'impression que l'homme est une espèce ratée et la vie une cause perdue.