Intervention de Anthony Requin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juillet 2015 à 9h03
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 — Audition de M. Anthony Requin directeur général de l'agence france trésor

Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor :

Notre dette est détenue à 64 % par des non-résidents. Les 35 % restants sont détenus par des résidents à hauteur de 20 % environ par les compagnies d'assurance, à 10 % par les institutions bancaires, le reste l'étant par des gestionnaires d'actifs, selon des données de la Banque de France. Sur les 65 % détenus par des non-résidents, à travers des enquêtes du FMI, on peut estimer que la moitié l'est par des investisseurs de la zone euro. Les autres appartiennent à des catégories et des zones géographiques diverses. Depuis 2007, la moitié des achats nets de dette française environ est réalisée par des banques centrales, qui ont accumulé d'importantes réserves qu'elles se soucient de ne pas placer uniquement en dollars, et qui recherchent des dettes de qualité, liquides et offrant un rendement. Assez peu sensibles au niveau des taux d'intérêt, elles ont tendance à détenir la dette jusqu'à son échéance, ce qui en fait des détenteurs peu volatils. Ainsi, en 2011, alors que des résidents ont pu vendre notre dette, les banques centrales du monde entier continuaient à en acheter.

Au Japon, l'épargne des ménages est très élevée et supérieure à l'endettement public. Elle finance aisément des déficits importants à des taux d'intérêt très faibles.

Le taux d'exécution de notre programme s'établit aujourd'hui à 68 %, soit un taux d'exécution en ligne avec les années précédentes. La charge de notre dette en 2015 est quasiment fixée, puisque ce n'est qu'à l'année n+1 qu'il faut s'acquitter du coupon plein de la dette émise l'année n. Comme a pu vous l'indiquer Monsieur Eckert, nous sommes en 2015 dans une situation confortable. Comme la charge d'indexation est déterminée par l'évolution des prix de mai à mai, il n'y a plus d'aléas liés à l'inflation pour le reste de l'année. De plus, cette évolution a été significativement inférieure aux prévisions de la loi de finances initiale : en France, 0,3 % au lieu de 0,8 %, et 0,2 % au lieu de 1 % en Europe. Nous économisons environ 1,5 milliard d'euros. La remontée des taux longs ne devrait pas avoir d'impact sur la charge budgétaire, car nous avions prévu un niveau plus élevé qu'il ne l'a été fin 2014 et début 2015, et leur hausse actuelle n'aura un plein impact que dans un an. Aussi la charge budgétaire de la dette en 2015 ne pourrait s'accroître que sous l'effet d'un choc très violent sur les taux courts. Notre dette à moyen ou long terme s'élève environ à 1 400 milliards d'euros, et notre endettement à court terme à 170 milliards d'euros. Les bons du Trésor à trois, six ou douze mois subiraient de plein fouet l'effet d'une hausse des taux courts. Cependant, celle-ci ne semble pas devoir se produire. Actuellement, nous empruntons même à des taux négatifs : environ - 0,19 % pour les emprunts à trois, six ou douze mois, au lieu des 0,05 % prévus au moment de la loi de finances.

C'est la comptabilité maastrichtienne qui agrège l'ensemble des dettes publiques, y compris celles des collectivités territoriales. La loi prévoit qu'en dernier recours, c'est l'État qui est d'une certaine mesure garant en dernier ressort les dettes des collectivités territoriales, c'est pourquoi elles sont incluses dans le périmètre.

Le rapport entre dette et PIB devrait atteindre en 2016 un maximum de 97 %, si l'on tient compte des opérations de soutien aux États de la zone euro, dont la Grèce. Puis il baissera légèrement, à 96,9 %, en 2017. La France a présenté aux autorités européennes sa trajectoire budgétaire, qui repose sur des hypothèses de croissance relativement prudentes : 1 % cette année et 1,5 % l'an prochain, quand l'OCDE, l'Union européenne ou le FMI tablent respectivement sur 1,2 % en 2015 et entre 1,5 et 1,8 % en 2016. Quant aux projections de taux d'intérêt présentées dans le programme de stabilité, elles prévoient, sur les OAT à dix ans, une augmentation des taux longs de 90 points de base en 2016, puis en 2017 et encore 50 points de base l'année suivante. Nous prévoyons un relèvement des taux d'intérêt courts de la Banque centrale européenne (BCE) à la fin des mesures d'assouplissement quantitatif, à partir de septembre 2016. Dans ce scénario, l'augmentation de la charge de la dette serait compensée par la hausse de la croissance et de l'inflation.

Quant à la mesure de la sensibilité de la dette, je vous renvoie aux chiffres mesurant l'impact d'une hausse de 1 % sur la charge de la dette de l'État, puisque celle-ci représente 80 % de la dette publique.

La hausse des taux de la Fed est intégrée dans nos hypothèses d'évolution des taux longs (90 points de base). Le relèvement interviendra-t-il en 2015, en 2016 ? Quelles annonces seront faites ? Quel sera le rythme et l'ampleur du relèvement ? Nous étudierons attentivement les prochaines communications de la Fed, afin d'en tenir compte dans le projet de loi de finances pour 2016.

Combien de temps durera la fuite vers la qualité ? Aussi longtemps que nous tiendrons nos engagements, les marchés continueront à nous faire crédit. Les hiérarchies se transforment lorsque les agences de notation modifient leurs notes ou lorsque les politiques économiques s'infléchissent.

Dans le programme de financement de l'État, sur les 187 milliards d'euros d'émissions à moyen long terme prévus en 2015, 74,4 milliards couvrent le déficit budgétaire, et 116 milliards amortissent la dette de moyen long terme. Comme les collectivités territoriales, l'État doit régulièrement amortir ou « roller » des encours de dette. Si sa comptabilité n'est pas soumise aux mêmes règles que celles d'une collectivité territoriale, il doit cependant respecter les traités européens.

La France communique chaque année en décembre son programme d'émission aux marchés ainsi qu'à la Commission européenne, comme les autres États membres. Nous précisons ensuite chaque trimestre les dates d'adjudication et l'ampleur des émissions que nous entendons réaliser. L'Allemagne annonce avec une grande précision le type d'émission qu'elle réalisera ; nous annonçons simplement aux marchés que, chaque premier jeudi du mois, nous émettrons des titres de maturité comprise entre sept et cinquante ans, et chaque troisième jeudi des titres entre deux et sept ans ainsi que des titres indexés sur l'inflation. Une semaine avant l'émission, nous choisissons la maturité des titres émises, après écoute des recommandations des Spécialistes en Valeurs du Trésor, afin de coller aux besoins du marché et émettre ainsi à meilleur prix.

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