Intervention de Catherine Henton

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juillet 2015 à 9h03
Diplomatie fiscale de la france en faveur de ses entreprises — Auditions de Mme Catherine Henton directeur fiscal de sanofi-aventis Mm. édouard Marcus sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale dlf et raffaele russo chef du projet beps centre de politique et d'administration fiscales de l'ocde

Catherine Henton, directeur fiscal de Sanofi-Aventis :

S'il a réalisé, en 2014, 93 % de ses ventes hors de France, le groupe Sanofi-Aventis est, contrairement à d'autres groupes, ancré dans notre pays : 27 000 de ses 110 000 employés y travaillent, parmi lesquels 6 000 chercheurs, ce qui fait de lui le premier investisseur français en recherche et développement (R&D) en France. En 2013, il a été le quatrième exportateur français, après Airbus et l'industrie automobile, contribuant positivement à notre balance commerciale à hauteur de 5 milliards d'euros.

Sanofi-Aventis est concerné au premier chef par le projet BEPS, puisque les brevets sont, en pharmacie, le nerf de la guerre. Garantissant l'exclusivité sur un marché pendant quelques temps, ils incorporent une valeur considérable. Notre groupe est non seulement très diversifié - vaccins, santé animale, médicaments avec ou sans prescription ou et médicaments hospitaliers - mais aussi très intégré, de la R&D jusqu'à la fabrication, et s'occupe donc de chimie, de pharmacie, de biotechnologies, contrairement à certains groupes qui ont choisi un modèle de développement « sans usines ».

Nous sommes un groupe français, dont le siège est en France, tout comme celui du pôle vaccins et santé animale. Notre groupe s'est beaucoup construit par des acquisitions, d'abord françaises dans les années 1980 et 1990, puis internationales. C'est pourquoi nos brevets ne sont pas tous en France : lorsque nous avons acheté le groupe Genzyme, ses brevets sont restés aux États-Unis. Déplacer de tels incorporels, qui intègrent une telle valeur, coûte cher.

J'illustrerai la problématique des prix de transfert par un exemple.

Nous nous apprêtons à obtenir une homologation d'un vaccin contre la dengue, maladie transmise par le moustique et répandue essentiellement dans l'hémisphère Sud. Si la recherche a été conduite en France, il a fallu effectuer les tests de performance et d'innocuité là où sont les patients, c'est-à-dire à l'étranger. L'Europe ne permet pas de breveter le vivant, mais certains brevets de fabrication sont déposés en France. L'action 5 du projet BEPS, qui conditionnerait l'obtention d'un régime favorable sur un brevet à la réalisation en France de l'intégralité des opérations de R&D, ne manquerait pas de causer des difficultés.

Pour vendre ce vaccin au Brésil, nous devrons d'abord le vendre à notre filiale, le Brésil exigeant - comme de nombreux pays - un interlocuteur local. À quel prix de transfert ? Le vaccin sera réalisé en France, dans une usine que nous avons dû construire avant d'obtenir l'homologation, et qui représente un investissement de 300 millions d'euros. Les dépenses de R&D, elles, se sont étalées sur 20 ans, pour un total d'environ 600 millions d'euros. Si le prix de vente au Brésil est de 100, le prix de revient de 50 et les coûts de commercialisation de 20, le profit consolidé sera de 30. Un prix de transfert de 50 facturé à notre filiale serait inacceptable, car il ne permettrait pas de financer notre R&D. Comment déterminer le bon niveau ? Du point de vue français, cette innovation majeure qui résout un problème de santé publique a une valeur élevée : 70, ou 75. À quoi le Brésil rétorquera que c'est son marché qui paie le médicament, et qu'il a droit, sur un profit de 30, à une base taxable de 20. Les prix de transfert ne sont donc pas des mesures d'optimisation : ce sont des prix de cession, souvent difficiles à fixer.

Jusqu'alors, les principes de l'OCDE, s'ils ont été difficiles à déterminer, l'avaient été dans un consensus. La nouveauté, avec BEPS, est que l'on sort de cette logique consensuelle. Ce n'est pas grave, pourvu que les grands pays acceptent les nouveaux principes, afin d'éviter la double imposition. Il faut se souvenir que BEPS est né du scandale des GAFA (Google, Apple, Amazon, Facebook), qui ont logé leurs incorporels dans des pays à la fiscalité et au climat favorables...

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