Intervention de Édouard Marcus

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juillet 2015 à 9h03
Diplomatie fiscale de la france en faveur de ses entreprises — Auditions de Mme Catherine Henton directeur fiscal de sanofi-aventis Mm. édouard Marcus sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale dlf et raffaele russo chef du projet beps centre de politique et d'administration fiscales de l'ocde

Édouard Marcus, sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale (DLF) :

La politique fiscale internationale de la France est très active et s'ordonne autour de deux pôles : la coopération fiscale et l'élaboration d'un cadre fiscal international. Ces sujets étant complexes, nous travaillons en concertation avec toutes les parties prenantes, dont l'expérience nous est précieuse. Notre outil principal est la convention fiscale. Ainsi le 1er janvier 2015 est entrée en vigueur notre nouvelle convention fiscale avec la Chine et, le 25 juin dernier, le Premier ministre a signé une convention fiscale avec la Colombie.

À quoi sert une convention fiscale ? Elle crée un cadre sécurisé pour les acteurs économiques, et limite les frottements fiscaux qui représentent un coût pour les entreprises comme pour les États - car ces derniers doivent souvent les compenser par d'onéreux crédits d'impôt. La première question est celle de la résidence ou de la source : dans quel pays l'entreprise est-elle redevable de l'impôt ? Puis viennent les prix de transferts : comment répartir la valeur entre les différentes sociétés d'un groupe ? Nos conventions respectent les règles internationales, qui sont élaborées par l'OCDE. Les conventions traitent aussi de points particuliers, tels que le statut des volontaires internationaux en entreprise (VIE) dont nous nous occupons en ce moment : doivent-ils être imposés en France, comme nous le pensons, ou dans le pays dans lequel ils travaillent ? Les conventions prévoient enfin le règlement des différends. La France défend à cet égard les mécanismes les plus avancés, allant jusqu'à l'arbitrage obligatoire, même si nos partenaires sont parfois réticents.

Nous ne signons pas de convention si notre partenaire n'accepte pas une clause d'échange de renseignements respectant les derniers standards internationaux, et ne démontre pas sa capacité à la respecter. Ainsi, à l'ordre du jour du conseil des ministres d'aujourd'hui figure un avenant à une convention avec la Suisse, qui remet notre dispositif d'échange de renseignements au meilleur niveau. La France est précurseur dans le domaine des clauses anti-abus.

De graves difficultés sont apparues dans le système fiscal international, favorisées par la financiarisation et la dématérialisation de l'économie, et se traduisant notamment par une perte de recettes pour les États, des détournements de trafic et des délocalisations de valeur. L'objectif du BEPS est de rétablir la « neutralité compétitive » entre les ensembles géopolitiques, entre les petits et les grands acteurs économiques, entre les divers secteurs. La justice fiscale est vitale pour endiguer la perte de confiance de nos concitoyens en leurs systèmes fiscaux.

Pour autant, j'insiste sur le fait que le projet BEPS ne remet pas en cause les principes de la fiscalité internationale. Nous devons continuer à respecter les règles communes, si nous ne voulons pas que s'instaure la loi du plus fort. Nous ne modifierons pas non plus l'équilibre général de la répartition des assiettes fiscales entre les États, car cela équivaudrait à des transferts de recettes. Enfin, nous n'envisageons pas de passer à une taxation au marché, comme cela a pu être suggéré. L'impôt sur les sociétés porte sur l'entrepreneur et non sur le consommateur ; il repose sur les fonctions de l'entreprise.

Pour traiter ce grand projet, nous nous sommes considérablement mobilisés à partir de 2012. La France a fait partie des États qui ont lancé BEPS, au G20 de Los Cabos en juin 2012. Un plan en quinze actions a été validé.

La source du problème de l'optimisation fiscale nationale n'est pas en France, car nous avons pris depuis des années des mesures contre ce phénomène. C'est de l'étranger que notre base fiscale est attaquée : elle est aspirée par des trous noirs fiscaux. Nous souhaitons que les profits soient imposés là où ils sont réalisés. Nous plaidons en faveur d'une très large transparence en matière d'information fiscale et de localisation. L'organisation de la valeur au sein des groupes par les prix de transferts ne doit pas être déconnectée de la réalité économique. Nous souhaitons aussi lutter contre les pratiques fiscales dommageables, par lesquelles des États prennent des mesures encourageant l'optimisation fiscale - qu'il ne faut pas confondre avec les dispositifs favorisant la recherche. Il importe enfin de reconnaître que les entreprises du numérique fonctionnent différemment des groupes classiques. Au G7 d'Elmau de juin 2015, la France a fait du développement de l'arbitrage une priorité. Au sein de l'Union européenne, il faut étudier la possibilité d'une imposition minimale et développer une politique commune à l'égard des pays tiers qui attaquent ou érodent les bases fiscales par leur opacité ou leur absence de fiscalité.

Sur la méthode, il est important que tous les États suivent la voie coordonnée de l'OCDE - je songe aux pays émergents, sans lesquels nous ne pouvons pas avancer. En septembre-octobre 2015, tout le monde approuvera sans doute le projet BEPS, mais que recouvrira ce « oui » ? D'où l'importance du monitoring, par lequel il sera possible de s'assurer que l'accord est respecté par tous.

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