Intervention de Catherine Henton

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juillet 2015 à 9h03
Diplomatie fiscale de la france en faveur de ses entreprises — Auditions de Mme Catherine Henton directeur fiscal de sanofi-aventis Mm. édouard Marcus sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale dlf et raffaele russo chef du projet beps centre de politique et d'administration fiscales de l'ocde

Catherine Henton, directeur fiscal de Sanofi-Aventis :

Nous nous inquiétons à propos de la confidentialité de nos données : dans certains pays, les transmettre à l'administration fiscale équivaut presque à les rendre publiques... Toutefois, nous sommes convaincus chez Sanofi-Aventis que publication des données n'est qu'une question de temps - peut-être est-ce préférable, et il vaut mieux s'y préparer.

La situation est différente selon les industries, la transparence sur les conditions commerciales pouvant être une bonne chose. Nos prix sont publics, car nous les négocions avec les États. Mon rôle dans l'entreprise est d'abord de m'assurer que nous appliquons les lois correctement partout, et je passe beaucoup de temps sur les contentieux relatifs aux prix de transfert. Ne soyons pas naïfs : les représentants à l'OCDE représentent les administrations, pas les fiscalistes ni les politiques.

Le président Barack Obama a proposé une réforme de la fiscalité américaine en étant certain qu'elle ne serait pas adoptée par le Sénat. La prochaine réforme n'est pas attendue avant 2017-2018, avec une autre administration. Je fais confiance aux industries pharmaceutiques américaines pour faire valoir leurs intérêts. Le système fiscal américain et très spécifique, et témoigne d'une autre philosophie du monde et de la fiscalité.

Pourquoi est-ce dans l'intérêt de Sanofi-Aventis de rapatrier ses profits en France ? Parce que ce pays a une fiscalité favorable sur les brevets depuis 1972. Nous ferons tout notre possible pour que les recommandations de BEPS pérennisent ce régime clef. Avec un taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 38 % et une base dont beaucoup d'éléments ne sont pas déductibles, le taux de 15 % sur les brevets est fondamental pour contrer Novartis, les Anglais ou les Américains - qui ont un taux de taxation insignifiant aux Bermudes. C'est pourquoi nous sommes très actifs sur l'action 5 du projet BEPS, qui porte sur le sujet.

Nos brevets sont détenus par la société mère française pour la recherche en cours. Toutes ces dépenses sont déduites de la base fiscale française. Nous payons peu d'impôt à 38 % puisqu'il s'agit de recherche. Il est donc intéressant de rapatrier les profits commerciaux à taxer à 38 % pour éponger les frais de recherche, car le surplus est taxé à 15 %.

Le CIR est souvent confondu avec une incitation à la localisation d'actifs incorporels en France, ce qui n'est ni son but ni son effet. Le CIR est subvention à l'emploi de chercheurs en France, il récompense les projets de recherche réalisés en France. Par exemple notre concurrent anglais GlaxoSmithKline dispose de centres de recherche en France mais les résultats de la recherche sont rapatriés car les coûts de la recherche sont également refacturés à la maison mère. Préservons le régime de brevets pour garantir une localisation de la recherche en France.

Vous évoquiez le projet ACCIS et la difficulté de répartir la CVAE. Ce n'est rien cependant à côté de la répartition de la base fiscale entre les États fédérés américains, qui est d'une extrême complexité : nous établissons 350 déclarations par an, sommes contrôlés par chaque État, qui a ses propres règles, en sus des réglementations fédérales ! Dix personnes y travaillent en permanence. Une assiette commune en Europe, pourquoi pas ? Mais ce n'est pas assez ambitieux. Dans le projet BEPS, les pays de l'Union européenne se battent entre eux tandis que les autres tirent les marrons du feu. Les Américains et les Chinois attendent au bord de la piscine que les autres sautent... Des procédures amiables sont envisagées pour éviter les doubles impositions, mais voyez la réalité ! La Chine se dit d'accord pour éviter les doubles impositions, mais rembourse-t-elle toujours un trop-perçu ?

Quant aux redressements fiscaux opérés par les BRIC, l'Inde a un système très compliqué, le Brésil a mis en place de nouvelles règles en matière de prix de transfert. Des accords préalables sur les prix de transfert (APP) sont possibles, nous en signons avec les États-Unis - 40 % du marché mondial - ainsi qu'avec la France ou l'Allemagne. Ce processus, qui engage l'administration, est très lent et nécessite des moyens : or le bureau de la direction générale des finances publiques qui gère les APP et les procédures amiables (MAP, mutual agreement procedure) ne compte que quatre ou cinq personnes. Ce n'est pas tenable : la France est la plus mauvaise en la matière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion