Intervention de Laurence de Cock

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Audition de Mme Laurence de Cock professeure d'histoire-géographie chercheuse en sciences de l'éducation membre du collectif aggiornamento hist-geo

Laurence de Cock, chercheuse en sciences de l'éducation, membre du collectif aggiornamento hist-géo :

L'histoire de l'école de la République est une lacune dans la formation des enseignants. Les enseignants ne la connaissent pas, ils ne savent pas que dès sa mise en place, dès Jules Ferry, elle a été confrontée à l'intégration d'élèves qui ne comprenaient pas le français. Tout n'a pas été résolu par l'interdiction de parler une autre langue, comme l'a montré Jean-François Chanet : il s'est agi d'une construction lente et laborieuse, y compris dans les colonies. Par essence, l'école est la construction d'un projet commun avec de la différence, un projet qui, à aucun moment, n'a fait consensus.

Être historien peut être rassurant : voir que les problèmes actuels ont déjà été rencontrés par ceux qui nous ont précédés nous conduit à les dédramatiser. Le CSP a donc raison d'introduire l'histoire de l'école pour la première fois dans les programmes. Ce type de débat existe depuis les années 1980, entre deux visions - qui ne se superposent pas avec la droite ou la gauche : selon la première, celle de Jean-Pierre Chevènement, l'école de la République porte des valeurs si émancipatrices qu'elles doivent être acceptées telles quelles par les élèves ; selon la seconde, il faut prendre acte de ce que ce beau rêve ne fonctionne pas : les élèves arrivent avec de multiples héritages et appartenances et, dans ce que Luc Boltanski appelle la « société critique » où chacun réclame d'être entendu et reconnu, il faut inventer une politique qui le permette. Il ne s'agit pas de faire faire de l'histoire de l'Afrique aux enfants d'Africains, mais bien d'avoir une définition de soi qui ne s'enferme pas et prenne en compte les mobilités. La vision irénique de la tolérance religieuse me fait sourire : dans l'histoire, les cultures se sont fait la guerre en même temps qu'elles procédaient à des échanges commerciaux et culturels.

Je soutiens les programmes du CSP pour des raisons pédagogiques ; leur forme doit être retravaillée pour faire prendre conscience de l'urgence de cette ouverture. Ils corrigent courageusement une erreur passée en rendant obligatoire l'étude de la traite et de l'esclavage. Ils sont suffisamment souples pour laisser entrer le débat.

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