Intervention de Régis Debray

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Audition de M. Régis deBray philosophe auteur du rapport l'enseignement du fait religieux dans les écoles laïques février 2002

Régis Debray :

S'agissant du prestige lié à la rémunération, c'est un peu le problème de l'oeuf et de la poule. Pour restaurer le prestige du savoir, il faudrait d'abord cesser de confondre le savoir et l'information. La connaissance permet de comprendre le comment et le pourquoi d'une information, son contexte, ce que ne fera pas un contenu téléchargé sur Wikipédia. À cet égard, le projet du Gouvernement d'équiper en tablettes les écoles est absurde et ne profitera qu'à ceux qui ont déjà la connaissance. La transmission suppose un rapport humain qui inscrive l'information dans le temps.

Vu le contexte budgétaire, il faudrait commencer par des gestes politiques et symboliques.

En ce qui concerne l'Alsace-Moselle, cela ne me choque pas, même si c'est dérogatoire. Il s'agit d'un problème d'appartenance. Je proposerais d'avoir là un centre de référence du savoir pour les musulmans : l'Alsace-Moselle pourrait constituer une bonne rampe de lancement.

La laïcité est une singularité française, le terme a du mal à être traduit et est souvent confondu avec l'athéisme, notamment dans les pays arabes et aux États-Unis. Il faut montrer qu'il s'agit d'un héritage des guerres de religion et de la Révolution. Les États-Unis sont une théo-démocratie. Pour eux il s'agit plus de sécularité, de libérer les églises de l'État, alors que nous cherchons à libérer l'État des églises. Quant à la Turquie de Mustafa Kemal, elle repose sur la domination de la religion par l'armée.

J'ai été le premier dans la commission Stasi à réclamer une loi et non une circulaire, pour resacraliser l'école et non par hostilité vis-à-vis des religions. Il s'agissait de faire de l'école un sanctuaire, un espace clos et sacré. En Europe nous sommes les seuls avec peut-être le Portugal à avoir cette conception.

Il faut cesser d'opposer novateurs et conservateurs ; pour innover il faut commencer par récolter.

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