Intervention de Patrick Gaubert

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Audition de M. Patrick Gaubert ancien président du haut conseil à l'intégration hci

Patrick Gaubert, ancien président du Haut Conseil à l'intégration :

Je notais qu'à une époque - et je parlais tout à l'heure de la génération de Richard Serero et moi-même - les valeurs de la République inculquées à l'école étaient acceptées sans problème. Je me souviens qu'on se moquait, à l'époque, des Italiens et des Portugais qui étaient dans nos classes, ou des Polonais. Je me souviens qu'on n'était pas très gentil avec les Italiens, on les traitait de macaronis, mais toute cette génération n'a jamais posé problème. Il y avait un respect vis-à-vis du professeur. Cela peut paraître bête mais, le professeur rentrait, on se levait, il y avait une éducation, il y avait un respect des uns envers les autres, et de nous. Ma génération a appliqué les valeurs de la République, le drapeau français, c'était quelque chose qui ne posait pas problème et on avait d'ailleurs, nous, des parents qui avaient choisi, comme mes parents, ce pays volontairement. Ils n'y sont pas arrivés par accident. Ils ont quitté leur pays parce que le racisme, la misère ou l'antisémitisme étaient forts, mais une fois chez nous, nous sommes devenus des bons petits français.

Aujourd'hui, ce respect existe moins. Est-ce la faute des professeurs qui ont aussi beaucoup de mal ? J'ai toujours dit qu'être professeur, c'est le plus beau des métiers, c'est apprendre le savoir, c'est exceptionnel, mais le professeur c'est l'instruction, ce n'est pas l'éducation, l'éducation incombe aux parents. Le professeur donne l'instruction aux enfants. Aujourd'hui les profs sont obligés de donner et l'instruction, et l'éducation. Quelque part, les parents ne font plus leur travail. D'une part, toute une génération parlant mal le français a du mal à aider ses enfants. La mère a un rôle à jouer, c'est le coeur d'une famille. La mère doit aider, soutenir les enfants. À partir du moment où les mamans, elles-mêmes, les première et deuxième générations, avaient du mal à parler français et étaient souvent enfermées chez elles, elles ne pouvaient pas aider leurs enfants.

Sans parler des enfants, on a parlé d'apartheid, on a parlé de ghettos, mais c'est vrai qu'il y a des difficultés dans les appartements petits, avec beaucoup d'enfants, et que l'enfant qui veut travailler a du mal à le faire chez lui. Souvent, il va dans les cages d'escalier non pas pour vendre du shit, comme on le dit trop mais pour travailler. Si on n'arrive pas à joindre les parents afin d'aider les mamans à mieux parler le français, beaucoup de petites associations prennent le relai. Il y a un tissu associatif exceptionnel en France, de petites associations, pas connues, qui n'ont pas d'argent, pas de reconnaissance, qui font un travail absolument fabuleux auprès des parents pour aider les mères. Et aider les mères, permettra effectivement ensuite d'aider les enfants. Beaucoup des jeunes aujourd'hui se sentent discriminés, ne se sentent pas dans leur pays.

Prenons les ELCO. Qu'est-ce que c'est ? C'est apprendre les langues d'origine des enfants. L'enfant qui peut être tunisien, algérien ou de n'importe quel autre pays, on lui apprend la langue de son pays d'origine. Ça, c'était bien à l'époque où ceux qui venaient en France pensaient y rester quelques temps et en repartir très vite. Donc, on leur apprenait les langues de leurs pays d'origine. Mais dans la réalité d'aujourd'hui, ces familles resteront en France. Les dangers des ELCO, c'est que ce n'est pas l'éducation nationale qui les gère, c'est le pays d'origine qui désigne les professeurs. Et nous avons entendu, au Haut Conseil à l'intégration, un certain nombre de cours qui étaient très limites, plus des discours politiques ou religieux excessifs qu'autre chose. Beaucoup de messages contraires aux valeurs de la République passent dans ces prétendus cours. Donc, les ELCO, qui coûtent une fortune ne servent à rien et font partie des choses qu'il faut enlever. Pourquoi les ELCO n'ont pas été supprimés ? L'éducation nationale était d'accord, y compris le ministre, sauf le quai d'Orsay qui ne veut pas avoir de problèmes avec les pays d'origines. Voilà quelque chose qu'il faudrait faire disparaître si on avait le courage de le faire, et les heures passées à apprendre des langues d'origine qui ne serviront plus à ces jeunes, devraient plutôt être utilisées à apprendre le français ou autre chose.

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