Intervention de Jean-Marc Lacave

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Météo france — Audition de M. Jean-Marc Lacave candidat proposé aux fonctions de président-directeur général

Jean-Marc Lacave :

La part d'audience du site Météo-France atteint 40 % à 45 %, celle du site mobiles environ 20 %, à égalité avec la Chaine Météo.com, ce qui nous classe, sur l'ensemble, en première position.

Les agriculteurs ne sont pas seuls à utiliser des sites plus spécialisés. C'est aussi le cas des wind surfeurs ou des plaisanciers côtiers. C'est une de mes frustrations. Nous avons sorti, cet été, un site Smartphone pour les sports de glisse de meilleure qualité qu'auparavant et notre ambition est de créer, en 2016, son équivalent pour la montagne et le côtier. Notre projet est de développer, à côté d'un site généraliste moderne, des sites spécialisés par secteur géographique.

Pour les agriculteurs, nous proposons toujours le kiosque 3250. La voie de l'appel téléphonique peut paraître un peu vieillotte, mais cela ne marche pourtant pas mal puisque notre recette est de l'ordre de 5 à 6 millions. Ce ne sera pas éternel, surtout avec la mise à disposition de données, qui va aiguiser la concurrence, mais cela témoigne d'une confiance du monde rural à notre égard.

Des initiatives telles que celle évoquée à la conférence de Sendai, La France faisant bénéficier les pays les plus exposés aux risques de son savoir-faire, peuvent-elles être source de nouvelles recettes ? Nous sommes très motivés par le sujet et notre filiale, Météo-France International, à l'aube de la Cop 21, ne manque pas de rappeler que nous pouvons apporter l'ingénierie nécessaire aux systèmes d'alerte, qui permettent d'épargner des vies. J'espère que la Cop 21 sera l'occasion pour la France de faire savoir que ses services publics sont à disposition de la planète pour équiper les pays qui en ont le plus besoin. Les projets de ce type prennent du temps, ils doivent être négociés avec des bailleurs de fonds et ne résoudront donc pas nos problèmes financiers de court terme, mais ils ouvrent une perspective à moyen et long terme.

Le monde agricole n'est pas seul à désirer des prévisions à l'année. Mais cela reste encore une colle scientifique. Les Anglais, qui s'y sont risqués il fut un temps en annonçant « l'année des barbecues », s'y sont cassés le nez : il fit cette année-là un temps épouvantable. Nous sommes dans des pays tempérés où le signal n'est pas assez significatif pour prédire des variations. Tout le monde est penché sur ce domaine de recherche dit des « services saisonniers », dans lequel l'Europe met de l'argent. On saura d'autant mieux le faire que l'on aura des calculateurs plus puissants, des mailles fines et une meilleure compréhension de ce qui se passe réellement. Car dans les faits, tout reste très compliqué. Songez qu'il suffit d'un feu de forêt aux États-Unis pour que les aérosols diffusés dans l'atmosphère modifient les radiations solaires. Dans les prévisions à trois mois ou un an, il y a ainsi une multitude de phénomènes à prendre en compte. Le réfléchissement dépend, par exemple, du rythme de la fonte des glaces, et tout à l'avenant. Il reste que c'est un sujet de recherche majeur à l'échelle européenne.

Les prévisions de défense, qui font partie de nos missions institutionnelles, sont focalisées sur les terrains d'opération et répondent à des codifications très précises ainsi qu'à de fortes conditions de confidentialité. Ce service fonctionne à la satisfaction des militaires, que nous formons d'ailleurs dans notre école de la Météo pour en faire des interlocuteurs avertis, capables d'exploiter les informations que nous leur livrons.

L'école de Météo de Toulouse joue un rôle majeur dans la transmission des compétences. Le départ attendu de 1 400 personnes à la retraite dans les années à venir est un vrai sujet de préoccupation. Il s'agit pour nous de préserver nos capacités en ingénieurs et en techniciens. Le centre de Toulouse, école d'excellence, est une fierté nationale, unique en son genre sur les questions atmosphériques.

De nouveaux outils face à des phénomènes devenus plus violents ? Je vous invite à consulter une rubrique nouvelle de notre site, « ClimatHD » qui donne, par région administrative, une information sur le climat passé assortie de projections. Il m'intéresserait de savoir si cette information est pour vous pertinente.

Nous avons perdu 400 emplois en sept ans. Cette année, 85 sont concernés, auxquels s'ajoutent 100 départs à la retraite. C'est ainsi que l'on ne remplacera pas plus de huit personnes sur dix. Le ratio a été le même l'an dernier, il sera de sept sur dix l'an prochain. Ces départs se sentent dans le réseau territorial, et rendent la tâche difficile.

Nos données sont presque toutes délivrées gratuitement. Elles le seront toutes demain. D'où la question du coût de la mise à disposition : il devrait être, à mon sens, assumé par le client.

Le seul procès que nous ayons eu à subir remonte à quelques années, où un concurrent nous a attaqués au motif que nos prix, dans l'activité commerciale, bénéficiaient de l'aide publique. L'Autorité de la concurrence s'en est émue, y a regardé de près et nous a demandé de fournir annuellement des informations détaillées sur nos coûts, ce qui prémunit, depuis, contre toute distorsion.

Nous avons de nombreux liens avec les autres pays européens, comme je l'ai indiqué. Notre modèle à maille fine, dit à aire limitée, est utilisé dans 19 pays européens, avec lesquels nous codéveloppons ses évolutions.

Il n'existe pas de doublons entre aéronautique civile et militaire. Ce qui m'amène à la question de la part respective des données mutualisées et des données spécialisées. Celle des premières, de fait, se réduit en proportion, à mesure que nous développons des applications spécialisées, dont bien des secteurs sont, comme je l'ai dit, demandeurs. Nous avons ainsi 1 000 extranets dédiés à des clients spécifiques, alimentés par des données pour eux pertinentes.

On ne peut faire de météorologie sans parler d'océan. Notre filiale Mercator lui est dédiée. Tout ce qui concerne les températures, l'acidité, la courantologie, fait partie des données météorologiques de base. Et nous produisons des prévisions sur la houle côtière. Entre le fluide gazeux, qu'est l'atmosphère, et le fluide liquide que, sont les océans, les interactions sont constantes et la bonne compréhension des questions climatiques est liée à celle de ces interférences.

L'outre-mer français constitue un avantage indiscutable. Nous y jouons un rôle élargi. Ainsi, à La Réunion, nous assurons une surveillance cyclonique pour toute la partie sud-est de l'Océan indien. Aux Antilles, aux Kerguelen, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie, nos outils sont mis au service d'une communauté qui dépasse très largement la seule communauté française.

Les Britanniques se sont en effet dotés d'un supercalculateur. Dans une étude parue en mars dernier, ils estiment le bénéfice économique des services météo à 1 milliard de livres par an, du fait des vies humaines et des dommages aux biens qu'ils permettent d'épargner. C'est ainsi que le Gouvernement britannique a été convaincu d'investir. De fait, pour la sécurité civile, l'industrie, l'aéronautique, mais aussi les assurances, le bénéfice est incontestable. Voyez l'épisode des inondations à Lourdes : notre filiale Predict avait recommandé à la mairie de Lourdes de faire sortir les voitures des parkings publics : les assurances en sont sorties gagnantes, puisque pas un seul véhicule n'a été emporté.

Je suis parvenu, jusqu'à présent, malgré le non remplacement de huit départs sur dix, à sanctuariser la recherche, qui fait partie de nos objectifs stratégiques. Ai-je envie de poursuivre dans mes fonctions ? Bien sûr ! Cela suppose de s'atteler à défendre, auprès des personnels comme auprès de notre tutelle, un projet innovant. Nous ne pouvons-nous contenter de poursuivre sur notre lancée. Il faudra innover en matière d'organisation, réserver l'expertise humaine aux phénomènes extrêmes. Mais il y a encore des mots tabous. Quand on parle de pousser l'automatisation, cela hérisse le poil des agents. De même lorsque l'on parle d'introduire un peu de souplesse dans le travail posté, via un système d'astreinte. J'ai ainsi en tête certaines initiatives sur lesquelles je sais qu'il me sera difficile de convaincre, ce qui ne m'empêche pas d'y tenir.

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