Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 septembre 2015 à 16h07
Audition de M. François Villeroy de galhau candidat proposé par le président de la république aux fonctions de gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau :

Je salue le progrès que constitue la construction des deux premiers piliers de l'union bancaire, inimaginable il y a deux ans. La supervision, assurée à Francfort par la BCE, est une réalité depuis le 1er novembre ; quant au mécanisme de résolution, il sera mis en place le 1er janvier 2016. En cas de résolution d'une grande banque française, la décision serait prise par le Conseil de résolution qui siège à Bruxelles, la Banque de France étant chargée de la seule mise en oeuvre.

La résolution concerne les dépôts au-delà de 100 000 euros, les créanciers étant désormais sollicités, plutôt que les contribuables, pour combler les besoins - ce qui est une bonne chose ; en deçà de 100 000 euros, c'est la garantie des dépôts qui s'applique. La Commission européenne a formulé des propositions en la matière et Jean-Claude Juncker s'est prononcé en faveur de la garantie des dépôts. Je ne préjuge pas de l'issue des discussions, qui seront difficiles en raison de la position de l'Allemagne mais aussi d'autres pays. J'observe simplement qu'il existe un lien entre le deuxième pilier et le besoin d'une garantie harmonisée des dépôts. Une fois la résolution achevée - elle ne l'est pas tout à fait - nous aurons une souplesse supplémentaire pour la mise en oeuvre du troisième pilier.

Je n'ai pas de commentaire particulier à faire sur les affaires à l'international, n'ayant jamais eu à connaître du contentieux entre BNP Paribas et les autorités américaines lors de mon passage dans cette banque. Les affaires que vous évoquez nous renvoient à la problématique de la conformité, sujet de préoccupation pour tous les établissements occidentaux. Les banques - y compris américaines - se voient en effet infliger des pénalités de plus en plus importantes, ce qui les a conduites à mettre en place des procédures internes de prévention. Chaque banque française a ainsi renforcé ses équipes dédiées à la conformité. Il n'y a plus de zone grise : ce qui n'est pas explicitement autorisé par la législation internationale et l'ensemble des législations nationales doit désormais être considéré comme prohibé. Nous ne pouvons nous permettre la moindre faiblesse.

Contrairement aux craintes affichées par les banques - dont, comme vous le voyez, je ne partage pas toujours les vues - les effets positifs de la politique monétaire sont bien plus importants que les effets négatifs potentiels de Bâle III sur la disponibilité et le coût du crédit. Quant à ce que l'on appelle « Bâle IV », des règles comme le TLAC (Total Loss Absorbing Capacity) - sorte de coussin amortisseur -, le ratio de levier sur les risques non pondérés et la révision des risques opérationnels qui sont en discussion pénaliseraient davantage les banques européennes que leurs homologues américaines, la réglementation existante aux États-Unis étant plus proche des règles envisagées. Cette situation appelle une vigilance particulière, afin de maintenir l'équilibre entre le renforcement de la sécurité financière et les effets économiques potentiellement négatifs. Le rapport sur l'investissement des entreprises que j'ai remis au Gouvernement propose de réactiver l'instance internationale d'évaluation des effets économiques des réglementations, réunie en 2010 mais jamais reconvoquée depuis. Vis-à-vis des responsables publics que vous êtes, on ne peut se permettre de dire « circulez, il n'y a rien à voir » ; une évaluation ex ante est nécessaire.

Les taux américains sont appelés à augmenter - je me garderai de faire des pronostics de calendrier - mais une éventuelle inflexion de la politique américaine ne modifiera pas la politique monétaire européenne, Mario Draghi et le Conseil des Gouverneurs des banques centrales ayant indiqué leur intention de maintenir durablement les taux à un niveau bas. Les taux de long terme européens sont inférieurs aux taux américains, une situation très rare : ils sont de 0,6 % en Allemagne et de 1 % en France, contre 2 % aux États-Unis. Au demeurant, ce n'est pas un motif de satisfaction, puisque cette déconnexion montre que les États-Unis sont plus avancés que l'Europe sur le chemin de la croissance.

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