Le PLFSS pour 2016 a été examiné hier en conseil des ministres. Il ne sera discuté au Sénat que dans quelques semaines. Secrétaire d'État chargé du budget, je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes vos questions - mais je sais que vous auditionnerez prochainement Mme Touraine. Traditionnellement, je présente plutôt les recettes et celle-ci évoque les dépenses. Le ministre des finances est aussi en charge des « comptes publics », au sein desquels les dépenses sociales sont prépondérantes, puisqu'elles avoisinent 500 milliards d'euros, sans compter les dépenses qui sont hors du champ de la sécurité sociale. Il s'agit du premier poste des quelques 1 200 milliards d'euros de dépenses publiques. D'où l'importance d'une bonne coopération entre le ministre des finances et celui chargé des affaires sociales. Ma relation de travail avec Mme Touraine est étroite et confiante.
Loin de l'augmentation, voire de l'explosion des comptes sociaux évoquée par certains, la réduction du déficit se poursuit et plus rapidement que prévu. Cela témoigne de l'efficacité de notre démarche budgétaire. Nous la prolongerons en 2016, grâce à des efforts d'économie prévus par ce PLFSS, en particulier en matière de santé, sans renoncer à nos priorités et tout en accordant de nouveaux droits aux affiliés. Ce PLFSS poursuit la mise en oeuvre de notre politique économique, puisqu'il prévoit une baisse des prélèvements sociaux et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), en application des engagements du pacte de responsabilité et de solidarité.
Il illustre notre crédibilité budgétaire, que vous avez bien voulu reconnaître, monsieur le président - quoiqu'avec quelques nuances - puisque nos comptes sociaux se redressent et que nous enregistrons des résultats. Je vous avais présenté en mars dernier l'exécution du budget en 2014 : nous avions constaté une amélioration très nette du solde budgétaire de la sécurité sociale, qui s'établit à 13,2 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins que prévu. Depuis, la Cour des comptes, qui a certifié pour la deuxième année consécutive les comptes de chacune des branches du régime général, a confirmé ce résultat. Le solde des comptes de l'ensemble des administrations publiques pour 2014 a été récemment révisé à la baisse par l'Insee. Il s'établit désormais à 3,9 % du PIB. En 2015, nous devrions atteindre 3,8 %. Pour l'heure, aucun signal ne nous permet de mettre en doute cette prévision. Ce sera la première fois depuis longtemps que les recettes correspondent aux prévisions - peut-être à un milliard d'euros près.
Depuis le début de la législature, le déficit de la sécurité sociale recule chaque année. Il est passé de 21 milliards d'euros en 2011 à 12,8 milliards d'euros prévus en 2015. Cela nous ramène à la situation d'avant la crise - ce qui n'est pas, je vous l'accorde, la meilleure jauge ! L'an prochain, deux des quatre branches du régime général seront à l'équilibre : la branche « accidents du travail » et la branche « vieillesse » qui devient excédentaire. Le déficit de la branche « famille » ne sera plus que de 800 millions d'euros, et l'équilibre devrait être atteint en 2017, incontestablement grâce à nos réformes. Quant à la branche « vieillesse », des calculs d'apothicaires sont faits pour savoir si l'amélioration est due à la réforme récente ou à la précédente. C'est probablement le cumul des deux - même si elles ne sont pas de même nature - qui a été efficace.
Pour la première fois, le montant de la dette sociale va reculer : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) va rembourser 13,6 milliards d'euros, alors que le déficit qu'elle prendra en charge sera de 12,8 milliards d'euros. Cette inversion de la tendance devrait persister l'an prochain, puisque le déficit devrait être encore moindre. L'horizon de remboursement intégral de la dette sociale, fixé à 2024, ne s'éloigne plus, au contraire. Nous allons donc transférer à la Cades 23,6 milliards d'euros de dettes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui nous portera au plafond, fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à 62 milliards d'euros. Nous profiterons ainsi des taux d'intérêt favorables et nous nous mettrons à l'abri d'une remontée des taux, puisque la Cades, contrairement à l'Acoss, emprunte à long terme.
En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan d'économies de 50 milliards d'euros sera de 7,4 milliards d'euros et elle se fera sans suppression de droits ni augmentation des franchises. Le rythme d'évolution des dépenses sociales en 2016 sera le plus faible enregistré : 0,5 % après 0,8 % en 2015.
Certains doutent que nous puissions parler d'économies dès lors que les dépenses augmentent. Mais les Français sont de plus en plus nombreux, ils vivent de plus en plus longtemps et les soins sont de plus en plus coûteux. Chaque année, nous comptons 200 000 Français supplémentaires. Il faut bien des maternités, des soins au coût croissant pendant une durée de vie de plus en plus longue. Par exemple, l'hépatite C nous a coûté 650 millions d'euros l'an passé. Tant mieux puisque nous avons ainsi guéri plus de 10 000 personnes - qui, du coup, n'auront plus à être soignées. D'ailleurs, le Parlement a adopté une disposition limitant le coût de ce traitement, sans laquelle nous aurions dépensé 1 milliard d'euros. En l'absence de mesures, les dépenses d'assurance maladie augmenteraient chaque année d'environ 3,8 %. En prévoyant un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 1,75 %, nous prétendons avec aplomb faire des économies. Ce n'est pas de l'esbroufe, c'est ainsi que les standards européens, qu'il s'agisse de Bruxelles ou des agences de notation, apprécient ce type d'évolution.
Pour contenir les dépenses, nous allons favoriser la prévention : gratuité du dépistage du cancer du sein et des examens complémentaires, programme de prévention de l'obésité chez les jeunes enfants, gratuité et confidentialité du parcours de contraception des mineures... Nous allons également modifier les parcours de prise en charge, par exemple en soutenant la modernisation de la filière visuelle pour raccourcir les délais d'attente en ophtalmologie. Nous favoriserons l'accès aux soins des salariés précaires en soutenant la souscription d'un contrat complémentaire santé et celui des retraités par une mesure diminuant le coût des contrats souscrits par les plus de 65 ans. Nous créons la protection universelle maladie, qui sera l'une des réformes sociales importantes de cette législature. Désormais, les assurés seront tous rattachés individuellement à la sécurité sociale, et ce à vie, pourvu qu'ils continuent à remplir les conditions de résidence, qui demeurent inchangées. Leur affiliation ne dépendra plus de leur statut professionnel ni de leur situation personnelle. De nombreuses personnes bénéficient de la sécurité sociale en tant qu'ayant-droit d'un autre assuré. Comme la couverture maladie universelle (CMU) couvre des personnes qui ne sont pas des ayants-droit, cette situation n'a plus guère de sens. L'ensemble des personnes en situation régulière qui résident en France depuis plus de six mois auront droit à leur carte Vitale, ce qui simplifiera beaucoup la vie de certains assurés.
Le PLF et le PLFSS prévoient, chacun pour ce qui le concerne, de nouvelles modalités de revalorisation des prestations sociales. Beaucoup de prestations étaient indexées sur l'inflation prévue. Une correction était effectuée une fois l'inflation exacte connue. Cette règle aurait dû conduire, le 1er avril dernier, à diminuer les prestations familiales de 0,7 % ! Nous allons harmoniser les dates de revalorisation, dont le nombre passera de cinq à deux : le 1er octobre pour les retraites et le 1er avril pour les autres. En cas d'inflation négative, les prestations ne pourront être diminuées. Cette année, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la formule de revalorisation. Personne n'a protesté, mais il est curieux de voir un Gouvernement ne pas appliquer la loi... À long terme, cette réforme est neutre, puisque l'inflation constatée et l'inflation prévisionnelle ont vocation à converger. En période de faible inflation, il s'agit d'une source d'économies, partagées entre l'État et la sécurité sociale, d'un montant compris entre 400 et 600 millions d'euros pour 2016.
Ce PLFSS met en oeuvre les mesures du pacte de responsabilité en prévoyant une baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le SMIC. Certes, cette mesure entrera en vigueur le 1er avril et non le 1er janvier. Certains ont hurlé à la trahison. Mais en 2015 des mesures ont été prises : suramortissement pour les entreprises - qui correspond en fait à une subvention d'un montant égal à 40 % de l'investissement -, mesures concernant l'apprentissage, mesures relatives aux seuils qui déclenchent le versement transport ou des modifications de la fiscalité, modification des charges sociales sur les attributions gratuites d'actions. Cumulées, elles représentent une dépense annuelle de 1,3 milliard d'euros en faveur des entreprises. Le pacte a prévu 9 milliards d'euros de réduction d'impôts et de cotisations. C'est pour respecter ce volume que nous avons décalé de trois mois l'entrée en vigueur de la baisse des cotisations sociales, qui est une mesure à un coup, quand les 1,3 milliard d'euros que j'ai évoqués constituent un coût renouvelé chaque année. D'autres décisions auraient pu être retenues, y compris par le Parlement.
La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui suscite de nombreux commentaires, est un impôt curieux, puisqu'il porte sur le chiffre d'affaires. Pour une entreprise en difficulté, qui ne fait pas de bénéfices mais dont le chiffre d'affaires augmente, ce n'est pas très pertinent... Aussi allons-nous poursuivre sa diminution : après un milliard d'euros en moins l'an dernier, nous souhaitons supprimer encore un milliard d'euros en augmentant jusqu'à 19 millions d'euros l'abattement sur le chiffre d'affaires que nous avions créé. Alors que 300 000 entreprises payaient la C3S, nous en avons dispensé 200 000 l'an dernier et en exemptons cette année 80 000. Seulement 20 000 entreprises continueront à y être assujetties. Il s'agit notamment des entreprises du secteur bancaire et financier. Les entreprises individuelles constituent 25 % des bénéficiaires de cette mesure, alors qu'elles ne comptent que pour 14 % de la valeur ajoutée.
Ce PLFSS tient compte des conséquences de l'arrêt de Ruyter. Nous devrons rembourser les sommes indûment prélevées pendant la période non prescrite, selon des modalités que je serai à même de vous préciser dans une dizaine de jours. En France, la CSG a toujours été classée parmi les impositions de toute nature : même si son produit est versé à la sécurité sociale, elle n'ouvre pas de droits comme une cotisation. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont toujours confirmé. Mais la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, au nom du principe d'unicité du régime d'assurance sociale, qu'on ne pouvait pas prélever la CSG sur les revenus du capital d'une personne affiliée à la sécurité sociale d'un autre Etat membre. Il ne s'agit pas seulement du cas des Français qui résident à l'étranger mais aussi, et surtout, de celui des travailleurs frontaliers : la règle, en Europe, est qu'on est affilié au régime de sécurité sociale du pays où l'on perçoit ses revenus salariaux. Pour ne pas être privé, à l'avenir, des quelques 300 millions d'euros de recettes dont il est question, nous les affecterons au FSV, qui n'est pas un régime contributif. Nous pensons ainsi nous mettre en conformité. Certains souhaiteraient que nous traitions aussi le cas des contribuables résidant aux États-Unis ou au Japon, mais l'arrêt de Ruyter ne concerne que les pays de l'espace économique européen - ce qui inclut la Suisse, le Liechtenstein et la Norvège.
Je m'abstiendrai de faire un historique du régime social des indépendants (RSI) car cela pourrait mettre mal à l'aise certain d'entre vous...