Intervention de Michel Cosnard

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 octobre 2015 à 9h30
Audition de M. Michel Cosnard candidat proposé aux fonctions de président du haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

Michel Cosnard, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur :

Les critiques ayant conduit à la transformation de l'Agence en Haut Conseil portaient sur la notation, sur le manque de transparence dans la participation aux comités de visite, ou sur le dessaisissement des certains établissements qui se plaignaient d'une défiance à l'égard de leur culture de l'évaluation. Je comprends ces critiques ; mais le Haut Conseil a fortement évolué. Je quitte un organisme, l'Inria, qui a une forte culture de l'évaluation, où celle-ci peut conduire à l'arrêt ou à la reconduction des projets - mais sans aucune notation. La notation est bien trop réductrice. Une équipe peut être excellente sur bien des secteurs, diffuser son travail utilement dans les entreprises françaises, mais faire peu de publications internationales... Cela donnera une note moyenne de dix obtenue en additionnant vingt et zéro. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous n'avons pas besoin d'une recherche « moyenne ». Il faut apprécier les résultats en fonction des objectifs, que les rapports d'évaluation doivent donc prendre en compte.

La transparence est essentielle. Un comité de visite doit être accepté par les évalués - cela ne veut pas dire qu'il doit être nommé par lui. Il faut éviter les conflits d'intérêts dans les deux sens, et donc la participation d'amis - assez faciles à repérer objectivement - ou d'ennemis. Comment faire pour ces derniers ?

Lors de la dernière campagne d'évaluation, le Haut Conseil - dont je ne suis pas membre - a été évalué par les responsables de structures qu'il avait lui-même évaluées : 90 % d'entre eux se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits. Il y a donc un très net progrès. J'ai parlé d'évaluations de sites. Nous avons longtemps fait des évaluations bottom-up, commençant par les labos et finissant par les établissements. Nous devons maintenant faire du top-down, en partant des sites et des stratégies qu'ils déterminent et mettent en oeuvre. Nous devons examiner si leurs composantes les respectent. Nous débutons dans ce domaine, mais c'est une évaluation très importante.

Nous ne voulons pas lénifier l'évaluation, mais adapter les critères d'évaluation aux objectifs du site. Lorsque je différencie les universités de Paris-Saclay et de Strasbourg, je ne fais pas de hiérarchie entre des universités au plus haut niveau de qualité, mais l'une est unifiée quand l'autre est composée de plus de vingt établissements. Publication de synthèses ou d'études complètes ? La publication des rapports complets d'évaluation des universités ne me choque pas. C'est différent pour les laboratoires : une publication complète risque de nous ramener à la production d'eau tiède. La satisfaction des directeurs de laboratoires s'est améliorée dans les mêmes proportions que celle des responsables de structures.

Cette période de défiance du corps académique envers l'évaluation est derrière nous. Cela fut plus facile pour les sciences dures ; pour les sciences humaines, il a fallu adapter les méthodes. Je crois que c'est maintenant chose faite : notre pays est capable d'évaluer sa recherche dans toutes ses composantes. L'auto-évaluation, encore inconnue il y a une décennie, est maintenant largement pratiquée. Cela ne pouvait pas se faire en un an.

Vous me demandez une réponse sincère, Monsieur Grosperrin. Le passage de l'Agence au Haut Conseil a été douloureux, c'est vrai. Mais il y a eu très peu de départs de personnel scientifique, sinon peut-être dans le domaine du droit. La dotation de fonctionnement est un sujet difficile, surtout avec l'intégration de l'OST, ce groupement d'intérêt public regroupant différentes structures dont la mission était de fournir des statistiques sur la production scientifique de notre pays. Son essoufflement, malgré son personnel hautement qualifié mais à l'activité peu valorisée, a conduit à une intégration raisonnable. En tant que président de l'Inria, je lui ai donné un avis positif. Mais elle n'a pas conduit à une addition des deux dotations. M. Houssin devait demander au ministère de régler ce problème.

Le modèle économique reposait sur la gratuité de l'évaluation et la mise à disposition de personnel. Il faut mieux rembourser les mises à dispositions, ne serait-ce que pour assurer l'indépendance du Haut Conseil. Il y a de plus en plus d'entités à évaluer : quid des formations non universitaires, comme les formations aux professions paramédicales ? Devons-nous évaluer les 350 écoles d'infirmières ? Avec quels moyens ? La question devra être réglée. Et pour les établissements supérieurs dans le domaine de l'agriculture ou de l'énergie ? Deux solutions existent : mieux organiser nos évaluations en réduisant la voilure, ou demander aux établissements de participer aux frais de visite. La garantie de l'indépendance des comités de visite est d'accueillir une part importante d'étrangers.

La diffusion de la culture scientifique est l'un des critères de notre évaluation. Les chercheurs sont maintenant convaincus qu'ils doivent expliquer leur travail et aussi être prêts à discuter leurs propres objectifs.

Il ne faut pas confondre logiciel libre et logiciel gratuit : s'il est gratuit, c'est que quelqu'un a payé pour son développement ! En tant que spécialiste, je préfère prendre le meilleur logiciel. L'avantage du logiciel libre est que nous en connaissons le code. Or il y a bien des logiciels gratuits, Google par exemple, dont nous ne connaissons pas le code. Même chose pour les applications sur les smartphones, dont certaines font fuiter des informations non nécessaires, selon une enquête de l'Inria et de la Cnil. Les administrations et les universités devraient, selon moi, n'utiliser que des logiciels dont ils connaissent le code, qu'ils soient gratuits ou payants. L'Inria édite chaque année des centaines de logiciels libres, mais autant de payants. La stratégie de diffusion du code dépend du secteur économique concerné.

Comment déléguer ? L'Inserm a réuni un comité d'évaluation dont le travail a été reconnu par tous. Faut-il vraiment que le Haut Conseil s'y substitue ? Certainement pas. Il faut effectivement associer tout le personnel lorsque nous procédons à une évaluation. Il faut donc un ingénieur dans les comités de visite des structures de recherche, comme il y faut un étudiant lorsque nous évaluons une formation.

La répétition a rendu les procédures plus aisées. Les regroupements d'équipes ont aussi facilité les choses, en réduisant le nombre de dossiers à remplir. Le nombre de laboratoires a baissé en France, mais pas le nombre de chercheurs : il y a donc eu des fusions. Exemple d'une suite donnée à une évaluation : le regroupement de plusieurs équipes en une seule structure.

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