Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 octobre 2015 à 21h30
Protection de l'enfant — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le parcours de cette proposition de loi d’origine sénatoriale, qui a été largement complétée à l’Assemblée nationale, tant par les députés que par le Gouvernement. Je me contenterai d’indiquer que la commission des affaires sociales a consacré près de quatre heures de discussion au texte que nous allons examiner, adoptant une cinquantaine d’amendements.

C’est dire l’intérêt qui est porté aux enjeux de la protection de l’enfance dans notre pays. Il n’a en rien faibli – bien au contraire ! – entre la première et la deuxième lecture.

Nos débats, auxquels a également contribué le rapporteur pour avis de la commission des lois, ont été nourris. Ils ont témoigné de constats partagés et d’une volonté commune d’améliorer la politique de protection de l’enfance, même si des nuances se sont manifestées sur les solutions à mettre en œuvre.

Cela confirme également toute l’utilité du travail mené l’année dernière par Muguette Dini et Michelle Meunier, auxquelles je tiens à rendre hommage. Leur rapport d’information l’a montré, la politique de protection de l’enfance souffre aujourd’hui de lacunes que la loi du 5 mars 2007 n’a pas permis de résorber. Ainsi, une réflexion doit être engagée sur la place respective des différentes mesures de protection et des différents modes de prise en charge.

Les placements longs, sans perspective de retour en famille, constituent l’angle mort du dispositif de la protection de l’enfance. Sur les 150 000 enfants accueillis dans le cadre de la protection de l’enfance, la grande majorité pourra réintégrer à court ou moyen terme le domicile parental.

On estime en revanche qu’environ un tiers d’entre eux, dont les parents connaissent des difficultés structurelles lourdes, passeront leur enfance en placement. Par la voix du juge, la société place ces enfants sous sa responsabilité collective, pour leur sécurité et leur bon développement. Elle y consacre des moyens financiers substantiels, de l’ordre de 30 000 à 80 000 euros par an et par enfant. Il est nécessaire qu’elle se porte garante du parcours de ces enfants, et non uniquement des conditions de leur placement, pour assumer pleinement cette responsabilité. Cela nécessite de penser la mise en œuvre de dispositifs spécifiquement adaptés à leur situation.

Aujourd’hui, un enfant placé dix ans a vu en moyenne sa mesure d’assistance éducative renouvelée cinq fois. Il ne peut compter de façon certaine sur un accompagnement que jusqu’à dix-huit ans et son accès à un éventuel contrat jeune majeur dépend d’une multitude de conditions, sur certaines desquelles il n’a aucune prise, comme la configuration politique ou les finances départementales.

Dans ces conditions, comment se projeter dans une vie d’adulte responsable et bien intégré ? La question des placements sans perspective de retour en famille forme, je le répète, l’angle mort du dispositif actuel de protection de l’enfance. Elle doit être le prochain chantier de réflexion en la matière.

Cette réflexion doit porter à la fois sur le temps du placement et sur les conditions d’accession à l’autonomie. Il est notamment indispensable, lorsqu’un jeune a été accueilli en protection de l’enfance et que la mesure de protection a pris fin, de lui permettre de mener à terme un cursus de formation engagé pendant son accueil.

On le voit, à ce manque de cohérence dans la prise en charge des enfants placés s’ajoute une grande insuffisance dans l’accompagnement des jeunes majeurs sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance.

Il est également indispensable de trouver le bon équilibre entre la définition d’un cadre plus solide et plus à même d’éviter des défaillances parfois dramatiques et la nécessité de permettre aux départements d’assumer pleinement leurs compétences, sans les entraver par des procédures superfétatoires ou les grever de charges supplémentaires.

Fort de ce constat, partagé sur l’ensemble des travées, je suis certain que nos débats permettront d’avancer ensemble dans la voie d’une meilleure prise en charge des jeunes en danger.

Je souhaite que, au-delà des différences d’appréciation qui se manifesteront tout naturellement lors de la discussion des amendements, le Sénat retrouve son unité pour permettre à cette proposition de loi de poursuivre son cheminement.

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