Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 12 octobre 2015 à 21h30
Protection de l'enfant — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a déjà fait beaucoup pour que les mécanismes de protection des enfants soient les plus efficients possible. Néanmoins, des manquements et des difficultés de réalisation sur le terrain subsistaient. Repérés par Muguette Dini et Michèle Meunier, ils ont été longuement analysés dans leur rapport d’information du mois de juin 2014.

Je tiens, moi aussi, à remercier une nouvelle fois nos deux collègues de la qualité de leur travail sur un sujet si sensible, si fondamental, mais aussi si complexe, qui fait intervenir une multitude d’acteurs à tous les niveaux de l’action publique et de l’action individuelle.

L’un des premiers objectifs de la protection de l’enfant est de prévenir, autant que faire se peut, les difficultés en amont et de se donner les moyens de pouvoir réagir le plus rapidement possible dans l’intérêt des enfants, lorsque la situation l’exige.

Pour cela, les informations doivent circuler entre les acteurs de la protection de l’enfance. C’est à cette condition que les cas problématiques peuvent être repérés dans les meilleurs délais et que des drames peuvent être évités.

Malheureusement, les cloisonnements entre les acteurs sont encore trop nombreux. On le comprend vite en discutant avec eux, beaucoup de ces acteurs se sentent isolés, alors même qu’ils ont un grand besoin d’échanges, comme vous l’avez signalé, madame la secrétaire d’État. En outre, les moyens financiers sont limités, les procédures sont nombreuses et le dialogue n’est pas toujours évident, faute de formation ou de temps à consacrer à chacun.

Or il est fondamental que tous ces acteurs travaillent en étroite collaboration, et non chacun de son côté. Il faut donc décloisonner les services de l’aide à l’enfance et de l’aide aux familles, permettre à leurs personnels de discuter avec les enseignants, les médecins scolaires, les enfants, les familles et, s’il en existe, les associations. C’est une évolution qui transparaissait dans le texte proposé par Muguette Dini et Michelle Meunier.

Nous sommes convaincus du caractère indispensable de la transversalité en matière de protection de l’enfance. Le développement de cette pratique nous apparaît comme une stratégie incontournable pour qui veut être à la hauteur des enjeux et des problèmes qui se posent. Nous soutiendrons plusieurs amendements en ce sens.

Autres acteurs primordiaux de la protection de l’enfant, les médecins scolaires devraient jouer le rôle de lanceur d’alerte. Ils sont à même de repérer les enfants ayant besoin d’aide et forment le lien entre la sphère scolaire et les institutions de protection de l’enfance, même si, et c’est un point auquel il faudrait vraiment remédier, la santé scolaire demeure, année après année, le parent pauvre de la protection de l’enfance.

Par ailleurs, nous avions souligné, en première lecture, l’absence d’article portant sur l’accueil des mineurs isolés étrangers, alors que ce sujet sensible était abordé dans le rapport d’information de nos collègues.

Malgré la circulaire de 2013 explicitant le cadre de l’action des départements et de l’État et prônant bienveillance et bénéfice du doute, la situation est encore loin d’être satisfaisante pour l’instant.

Le test osseux, peu fiable, peut se révéler arbitraire – il est scientifiquement reconnu qu’il présente une marge d’erreur d’interprétation d’au moins dix-huit mois – et c’est évidemment très lourd pour des enfants qui, par ailleurs, souffrent d’une grande fragilité psychologique. Or ce test est toujours largement utilisé, contrairement à ce qui est exigé dans la circulaire.

Par ailleurs, les budgets départementaux alloués à l’accueil des enfants sont toujours aussi serrés, comme cela a été répété à maintes reprises lors de nos travaux en commission, et la volonté de repartir les efforts en matière d’accueil entre tous les départements se heurte à l’obstruction de ceux qui refusent de supporter une partie de la charge.

La coordination entre l’État et les départements n’est pas encore satisfaisante, nombre d’associations nous le rapportent régulièrement. Ainsi, dans le département de la Seine-Saint-Denis, dont je suis élue et qui constitue l’une des principales zones d’entrée de jeunes étrangers en France, les élus souhaiteraient qu’une répartition du flux puisse être organisée à l’échelon national.

Il est donc nécessaire de prévoir dans la loi les modalités de prise en charge de ces jeunes, conformément aux valeurs énoncées dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France, nous le savons, est signataire.

Même si son périmètre demeure restreint, le texte proposé par nos collègues Muguette Dini et Michelle Meunier, et largement complété par l’Assemblée nationale, correspond à l’orientation que nous souhaitons donner à la protection de l’enfance.

Les débats en commission la semaine dernière ont conduit à une révision sensible du texte et certains articles, particulièrement importants à nos yeux, ont été supprimés. Je pense notamment à ceux qui tendaient à sécuriser davantage le parcours des enfants placés et, en particulier, prévoyaient un accompagnement des jeunes à toutes les étapes de leur placement, y compris au moment où ils accèdent à la majorité.

En effet, aujourd'hui, ce passage à la majorité ne s’effectue pas de manière satisfaisante et nous devons nous pencher sérieusement sur la question. Ainsi, une étude de l’Institut national d’études démographiques de 2000 a montré que, sur le territoire de l’Île-de-France, plus de 30 % des moins de trente ans se retrouvant dans la rue avaient eu un parcours en protection de l’enfance.

Pour les associations, la situation ne s’est pas améliorée. La transition reste un moment délicat, qui nécessite un accompagnement des jeunes dans les démarches permettant une insertion dans la société. Nous déposerons, à ce sujet, plusieurs amendements visant à rétablir ces articles.

Mes chers collègues, si nous soutenons sur le fond le texte issu des débats à l’Assemblée nationale, nous réservons pour l’instant notre vote final. Celui-ci sera conditionné au résultat de nos travaux en séance publique.

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