Intervention de Hermeline Malherbe

Réunion du 12 octobre 2015 à 21h30
Protection de l'enfant — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hermeline MalherbeHermeline Malherbe :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près d’un an que nous avons examiné ce texte en première lecture. À l’époque, je commençais mon intervention en rappelant vous avoir remis quelques mois auparavant, madame la secrétaire d’État, le neuvième rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED. Le 26 mai dernier, c’est le dixième rapport de ce même organisme que je vous ai présenté, en tant que présidente du groupement d’intérêt public Enfance en danger.

Ce document explique notamment que le nombre de mineurs bénéficiant d’au moins une mesure de prise en charge de la protection de l’enfance est passé de 275 000 à 284 000 entre 2011 et 2012. Il nous montre surtout des situations extrêmement variables d’un département à l’autre. Pour ne citer que quelques chiffres, le nombre de mesures décidées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 varie de 1 330, pour la Creuse, à 9 233, pour les Hauts-de-Seine. Au cours de la même période, le nombre de mesures terminées varie de 908 dans le Lot-et-Garonne à 6 463 dans le Finistère.

L’enjeu de cette proposition de loi déposée par Michèle Meunier et Muguette Dini, dont je salue, à mon tour, le travail, est bien d’améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes en difficulté, et ce de façon équitable sur l’ensemble du territoire français.

Tout d’abord, je rappelle que le texte soumis à notre examen a vocation à améliorer la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007. Celle-ci s’inscrit dans la lignée de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont nous avons fêté, l’année dernière, les vingt-cinq ans.

Depuis 2007, la mise en œuvre progressive de la loi dans les politiques de protection de l’enfance s’est confrontée aux réalités des situations et des pratiques dans une société en constante évolution.

Aux seize articles que comportait le texte adopté par le Sénat en première lecture, les députés ont ajouté rien moins que trente articles. Cet enrichissement est le fruit d’une gestation de neuf à dix mois qui vous a permis, madame la secrétaire d’État, de tenir compte des résultats de la concertation que vous avez lancée avec l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance. Il est bon que la proposition de loi serve aussi à cela.

Les députés ont fait un certain nombre de choix différents de ceux du Sénat. Ils ont ainsi parfois rétabli la rédaction initiale de la proposition de loi. C’est notamment le cas avec le Conseil national de la protection de l’enfance, dont la commission des affaires sociales a, cette fois, entériné la création. Ils ont réintroduit la notion d’inceste dans le code pénal. Ils ont également rétabli la disposition qui rend l’adoption simple irrévocable, ce qui est, de mon point de vue, une bonne mesure pour l’enfant. L’enrichissement du texte initial a porté sur les jeunes majeurs, qu’il convient de préparer à leur sortie des dispositifs de protection et, surtout, d’accompagner jusqu’au terme de l’année scolaire ou universitaire en cours, ce que nombre de départements font déjà.

Cette proposition de loi suscite, je le crois, un consensus. De fait, lors de sa réunion du 7 octobre dernier, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté dix-neuf de ses articles sans modification. Je retiens également qu’elle a supprimé neuf articles qui inquiétaient les départements, chefs de file en matière de protection de l’enfance, en entrant de manière parfois un peu excessive dans le détail de l’organisation des services départementaux.

Madame la secrétaire d’État, vous savez que j’accorde une grande importance à l’égalité républicaine. Je suis tout autant attachée à la décentralisation, qui responsabilise les départements pour la détermination de leurs règles de fonctionnement dans la mise en œuvre des politiques publiques, en particulier la protection de l’enfance.

Bien sûr, la proposition de loi devra être complétée par les dispositions réglementaires adéquates, afin de permettre aux services des départements et de la justice de la mettre en œuvre rapidement et efficacement. Je dis « rapidement » parce que je me souviens d’un décret d’application de la loi du 5 mars 2007, relatif à l’Observatoire national de l’enfance en danger, qui n’est paru qu’en 2011, entraînant de graves retards dans le fonctionnement de cet organisme…

Toutefois, je regrette que plusieurs articles de la proposition de loi, notamment ceux qui ont trait à la composition de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance et au contenu du projet pour l’enfant, renvoient à un décret le soin de préciser les dispositifs. Pourquoi ne pas laisser, là encore, une marge de manœuvre aux conseils départementaux ? J’ai donc déposé plusieurs amendements tendant à confier au Gouvernement le soin de fixer par décret un socle de bases communes s’appliquant sur l’ensemble du territoire et à laisser à chaque département la possibilité de compléter ou d’ajuster celles-ci en fonction des réalités locales.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si certains de ses aspects me semblent perfectibles, la proposition de loi me paraît un bon support législatif pour consolider nos politiques publiques en faveur de la protection de l’enfance et pour améliorer la réforme de 2007, huit ans après l’entrée en vigueur de celle-ci. Son adoption permettra de faciliter, via la loi, le travail de tous les professionnels qui interviennent auprès des enfants, des jeunes et des familles, non seulement pour éviter les cas médiatiques, mais surtout pour que chaque enfant, chaque jeune trouve sa place dans notre société !

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