Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 12 octobre 2015 à 21h30
Protection de l'enfant — Article 1er

Laurence Rossignol, secrétaire d'État :

Madame la sénatrice, vous proposez de supprimer l’article 1er, au motif que vous ne voyez pas la différence avec l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles qu’il réécrit.

Chacun se réfère à l’intérêt de l’enfant, que ce soit l’intérêt supérieur de l’enfant ou le meilleur intérêt de l’enfant. Je rappelle les premières lignes de l’actuel article L.112-3 du code de l’action sociale et des familles : « La protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. » Le mot « enfant » n’y figure même pas !

La nouvelle rédaction commence ainsi : « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. »

Quelle est la différence entre ces deux rédactions ? La première assigne comme mission principale à la protection de l’enfance le soutien des familles ; la seconde vise à assurer aux enfants leur meilleur développement et précise que la protection de l’enfance vise à prendre soin de leur santé physique, morale et affective.

Le changement de paradigme est total ! Il reflète tout ce qui s’est passé, d’un certain point de vue, entre 2007 et 2015. L’intérêt de l’enfant, qui est toujours mis en avant, trouve enfin sa traduction. Cette nouvelle rédaction signifie que les enfants relevant de la protection de l’enfance sont comme les autres enfants, qu’ils ont droit aux mêmes capacités de développement et d’épanouissement. Cet article les soustrait à leur statut marginal et à une approche spécifique. Du fait de l’évolution des connaissances en psychologie et en sciences de l’éducation, on sait l’importance des liens d’attachement, de la stabilité, pour la construction des enfants. Or ceux qui relèvent de la protection de l’enfance y échapperaient !

Par conséquent, madame Doineau, cet article dont vous proposez la suppression – je comprends les désaccords – met l’enfant au cœur de la politique de la protection de l’enfance.

J’en viens à la création du Conseil national de la protection de l’enfance et à sa possible fusion avec l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED.

Il s’agit de deux instances différences. L’ONED est un observatoire. À cet égard, je constate qu’il faut poursuivre les progrès dans la connaissance de la protection de l’enfance que l’ONED a permis de réaliser. En effet, au même titre que la protection de l’enfance est un angle mort des politiques publiques, les statistiques sur la protection de l’enfance sont un autre angle mort des statistiques ; ce travail relève de l’ONED. Hermeline Malherbe a cité les derniers chiffres qui ont été communiqués concernant la protection de l’enfance.

Le Conseil national de la protection de l’enfance, quant à lui, répond à la demande des professionnels de disposer d’une instance pluridisciplinaire, où les services de la justice, des départements, de pédopsychiatrie, les maisons des adolescents puissent se mettre autour d’une table et discuter de leurs pratiques afin de se coordonner et d’accorder leurs méthodes de travail.

Le but de ce conseil n’est pas de permettre une représentation institutionnelle, je vous le dis très clairement. J’ai moi-même siégé dans un exécutif local, je le sais ! Le Conseil national de la protection de l’enfance cible les professionnels qui n’ont pas la possibilité, à l’échelon départemental ou local, d’élaborer un travail en commun. Vous pouvez penser que c’est superfétatoire, mais ce n’est pas un énième comité : c’est une demande des professionnels et, en ce sens, je crois qu’il faut le maintenir.

C'est la raison pour laquelle je suis opposée à cet amendement, dont l’adoption ne permettrait pas de placer l’intérêt de l’enfant comme finalité première de la protection de l’enfance et empêcherait la création du Conseil national de la protection de l’enfance.

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