Dans notre pays, l'apprentissage a toujours été une priorité pour l'artisanat, car c'est un mode de formation qui crée le vivier de nos métiers et favorise l'accès aux entreprises. Alors que son utilité était encore débattue entre la droite et la gauche, il y a quinze ou vingt ans, elle est désormais un constat partagé. En Allemagne, mais aussi en Autriche ou en Suisse, le développement de l'apprentissage a contribué à réduire le chômage des jeunes, ce qui n'est pas le cas en France. La baisse du nombre d'apprentis, réelle depuis deux ans, s'explique d'abord par la baisse d'activité des entreprises, moins enclines à embaucher. À cela s'ajoutent la réduction des aides à l'apprentissage, catastrophique en termes d'image, décidée par le gouvernement en juillet 2013, et la concurrence du contrat d'avenir et des emplois jeunes.
Pour rétablir la situation, il faut prendre collectivement des mesures de fond, en veillant à ce qu'elles s'étalent sur la durée, car la stabilité du dispositif est essentielle pour l'embauche dans les entreprises artisanales. L'incertitude n'est guère propice à l'embauche. Le gouvernement doit pouvoir s'engager sur la durée d'une législature pour sécuriser l'environnement des entreprises.
D'abord, l'Éducation nationale n'est pas forcément la plus à même de construire des référentiels de diplômes adaptés à l'apprentissage, car son souci premier reste l'enseignement général, alors que les chambres de métiers et de l'artisanat ont élaboré des titres qui correspondent mieux aux besoins des entreprises. Donnons une place plus importante aux branches professionnelles.
Nous militons aussi depuis longtemps pour une égalité de traitement entre les étudiants et les apprentis en matière d'hébergement, de restauration ou de transports. Comment justifier qu'un apprenti ne bénéficie pas des transports scolaires, au prétexte qu'il est salarié, alors qu'il doit constamment se déplacer entre trois lieux de vie : son domicile, le centre de formation et l'entreprise ? Enfin, il faut valoriser le maître d'apprentissage, dont l'engagement est essentiel pour la formation des jeunes.
Dans le réseau de l'artisanat, on compte 30 % de jeunes décrocheurs à Bac+1 ou Bac+2 qui entrent en apprentissage à l'âge de 21 ou 22 ans pour passer un diplôme de niveau 5, alors qu'ils ont un bagage académique consistant. Nos centres de formation d'apprentis, devenus l'Université régionale des métiers de l'artisanat, ne peuvent pas uniquement se concentrer sur le niveau 5. En plus d'être compétents, les apprentis doivent également avoir des connaissances en gestion (niveau 3) pour être capables de reprendre ou de créer une entreprise.
Enfin, il faut revoir le financement de l'apprentissage. La taxe d'apprentissage doit servir à financer les établissements d'apprentissage plutôt que d'aller aux grandes écoles. La réforme de la collecte n'est pas satisfaisante. Nous formons 30 % d'apprentis dans l'artisanat et nous percevons 4 % de la taxe d'apprentissage ! Il devrait y avoir une corrélation entre le pourcentage de taxe reçu et le nombre d'apprentis formés. Le Conseil régional doit flécher les ressources dont il dispose en veillant à ce qu'elles soient obligatoirement reversées aux centres de formation. Cela ne pourra pas se faire sans renforcer la transparence et la traçabilité.
Nous devons faire de l'apprentissage une priorité nationale collectivement partagée, avec des dispositifs stabilisés dans la durée. Nos entreprises ont la culture nécessaire pour augmenter le nombre d'apprentis, elles y sont prêtes. Dans le Nord-Pas-de-Calais, où l'on compte 120 000 jeunes exclus du parcours de l'emploi, il y a 5 200 inscrits dans l'Université des métiers que je préside, et il reste 1 000 places non pourvues. 70 à 80 % des jeunes qui sortent de nos centres trouvent un emploi. Il faudrait mettre en adéquation les besoins des entreprises, les jeunes au chômage et les outils de formation qui sont développés. Ce fut une erreur du gouvernement que d'avoir arrêté le fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage : c'était un bon outil pour mettre en place les contrats d'objectifs et de moyens entre l'État et les régions qui ont financé ces dernières années l'amélioration des outils de formation. Grâce à ce fonds, l'État indiquait clairement sa volonté politique en faveur de l'apprentissage, mode de formation reconnu pour son efficacité.