Intervention de Catherine Morin-Desailly

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 1er octobre 2015 : 1ère réunion
Table ronde 1 : pourquoi l'apprentissage recule-t-il en france

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication :

Je vous félicite pour l'organisation de cette table ronde sur un sujet qui intéresse la commission de la Culture, tout comme celles des Affaires sociales et des Affaires économiques. Cette réunion est particulièrement enrichissante dans une période où nous préparons l'arrivée des nouvelles régions aux compétences renforcées. Notre commission s'intéresse beaucoup à l'effet positif de l'apprentissage sur l'insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés. Nous nous sommes émus de la baisse du nombre d'apprentis au cours de l'année 2013 qui a surtout concerné les niveaux de qualification les plus faibles. Je note avec satisfaction que le gouvernement s'est enfin mobilisé, il y a un an, autour d'un objectif ambitieux : augmenter de 50 % le nombre d'apprentis dans les lycées publics d'ici 2017 pour atteindre le chiffre de 60 000. Malgré une décennie d'efforts, relancés par la loi Fillon de janvier 2005, la filière reste trop marginale. Si le nombre d'apprentis dans l'Éducation nationale a doublé depuis 2002, il ne représente que 10 % de l'effectif global.

Les entraves qui persistent au sein de l'Éducation nationale sont d'abord structurelles. L'accès aux formations en alternance n'est pas suffisamment pris en compte. L'accueil d'apprentis dans les établissements scolaires se heurte à des règles de gestion dissuasives et contre-productives. Par exemple, on ne tient pas compte du nombre d'apprentis pour attribuer les dotations aux établissements scolaires. Au nom du refus d'une orientation trop précoce, la loi de refondation de l'école dont nous avons débattu en 2013 a supprimé les filières de préapprentissage et restreint le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (Dima), qui était un marchepied vers la filière de l'apprentissage. Enfin, la réforme du bac professionnel sur trois ans a pénalisé l'apprentissage, du fait de la frilosité des entreprises, peu enclines à s'engager sur une telle durée dans un contexte économique difficile.

Les obstacles sont aussi culturels, car l'apprentissage reste une filière mal connue au sein de l'Éducation nationale où elle n'est pas valorisée par les enseignants ou les conseillers d'orientation. C'est une orientation qui se fait toujours par défaut. Les enseignants de la filière professionnelle et leurs syndicats, qui y voient une concurrence pour le lycée professionnel classique, affichent leurs réticences. L'Éducation nationale peine à considérer les entreprises comme des partenaires à part entière en matière de formation professionnelle.

Des pistes d'amélioration existent comme le développement des parcours mixtes de formation qui se heurte néanmoins à des résistances de l'institution et des conseils régionaux. L'élaboration du futur plan régional de développement des formations professionnelles doit être l'occasion de réfléchir à ces sujets, ainsi qu'à l'égalité de traitement entre étudiants et apprentis. Beaucoup militent par exemple pour un Erasmus des apprentis. On peut gager que le développement de l'apprentissage dans le pré-recrutement des enseignants prévu pour remplacer les emplois d'avenir de professeurs contribuera à faire évoluer l'image des formations en alternance au sein de l'institution. Le défi est de taille, seule une volonté politique forte, au niveau national et régional, peut lever les blocages, pour peu que la démarche associe tous les partenaires. Notre commission a engagé des travaux pour apporter sa pierre à l'édifice, notamment sur l'orientation. C'est une question qui a été ignorée dans la réforme du collège, alors qu'elle risque d'être très pénalisante si on ne la résout pas.

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