J'ai été directeur d'un CFA pendant dix ans, puis inspecteur de l'Éducation nationale en charge de l'apprentissage -aucun collègue ne voulant du poste. L'apprentissage souffre de son image. Initialement, ce type d'orientation se faisait par la négative. On a commis l'erreur de conserver le terme d' « apprentissage » après avoir ouvert la formation aux différents niveaux de diplôme. Mieux aurait valu trouver une appellation davantage liée aux métiers. On sait comment réagissent les parents lorsqu'on leur propose que leur enfant s'oriente vers les métiers de bouche plutôt que vers un bac scientifique...
Le code du travail précise que l'apprenti a un contrat de travail particulier qui intègre une durée de formation. En France, on ne donne pas à ce contrat l'importance qu'il mérite, alors que de l'autre côté de la frontière, en Allemagne ou en Suisse, c'est l'apprentissage du métier et l'insertion professionnelle qui priment. Priorité est donnée à l'entreprise.
Quant à l'orientation, elle se fait en troisième, par des professeurs principaux des collèges qui souvent ignorent tout de l'entreprise. Si l'on ajoute les parents qui souhaitent tous une belle carrière intellectuelle pour leurs enfants, on obtient un véritable noeud gordien. L'Éducation nationale a toujours souhaité conserver l'apprentissage sous sa coupe, car elle y voit l'opportunité de débouchés subalternes indispensables à ses propres besoins, dans la mesure où elle privilégie les diplômes plutôt que l'insertion professionnelle. En son temps, Philippe Seguin souhaitait déjà que l'apprentissage relève du ministère du Travail. Nous ne pourrons que féliciter celui qui parviendra à opérer ce passage. Rien d'étonnant à ce que le bac professionnel ne soit pas la panacée : il n'a pas été fait pour les entreprises, mais pour caser les élèves qui ne pouvaient s'orienter ni vers un bac général, ni vers un bac technologique.
Le rapport que nous présenterons en février prochain devra proposer des orientations nouvelles pour redonner ses lettres de noblesse à l'apprentissage. Les entreprises peuvent contribuer par une implication forte à donner tout son sens à ce contrat de travail particulier. En Allemagne, elles investissent en détachant des salariés pour former des apprentis, qui deviennent rentables dès la deuxième année car ils ont été bien encadrés. Ce n'est pas une question de moyens mais d'image à rétablir. Il faut dire aux parents et aux jeunes que lorsqu'on a un métier, c'est de l'or qu'on a dans les mains ! Mieux vaut l'apprentissage qu'un bac général qui conduit au chômage.