Intervention de Marc Ferracci

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 1er octobre 2015 : 1ère réunion
Table ronde 1 : pourquoi l'apprentissage recule-t-il en france

Marc Ferracci, économiste :

Il ne s'agit pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre ! Mais pour l'efficacité collective de la dépense publique et des entreprises, il faut investir sur les apprentis les moins qualifiés -jusqu'au bac professionnel. La mauvaise image de l'apprentissage n'est pas la conséquence de la présence des apprentis dans le secondaire : en Allemagne, où il n'y a pas d'apprentis dans le supérieur, l'apprentissage a une très bonne image. L'enjeu est d'orienter effectivement toutes les sommes censées financer l'apprentissage. Le dispositif hors quota, qui autorise une entreprise à financer les établissements de son choix, sans forcément financer des formations en apprentissage, détourne une partie des ressources, qui auraient pu bénéficier aux moins qualifiés. Il doit être réformé, comme l'a initié la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale de mars 2014, dite « loi Sapin », et même supprimé, comme le préconise une note du Conseil d'analyse économique. Il faudrait trouver des ressources pour financer des dispositifs de préapprentissage auxquels je crois beaucoup mais qui sont extrêmement coûteux, et réallouer les ressources sur les dispositifs qui fonctionnent et sont les seuls à pouvoir réinsérer des jeunes sans diplôme.

Pourquoi ces apprentis ne sont-ils pas ensuite embauchés par les entreprises ? Parce qu'elles n'ont pas forcément d'intérêt économique à les embaucher compte tenu d'une durée d'apprentissage moins longue que dans d'autres pays, et du fait de ruptures de contrat. Deux raisons reviennent dans la bouche des chefs d'entreprise : le déficit de posture sociale et de codes -le manque de maturité justifie des dispositifs de préapprentissage ou d'immersion-, et l'inadéquation du contenu de la formation aux besoins des entreprises - les cours dispensés par l'Éducation nationale sont souvent trop abstraits.

Mettre toutes les données dans la main des régions n'est pas nécessairement le meilleur système. Pour l'économiste que je suis, il conviendrait de décentraliser économiquement, et non administrativement, l'apprentissage. L'objectif est de donner aux acteurs de terrain, aux entreprises, la capacité d'ouvrir des formations d'apprentissage et de décider de leur contenu, sur la base d'un pilotage national calqué sur l'exemple allemand. Cela ne nécessite pas une révolution. Certains certificats de qualification professionnelle, définis par les branches, dès lors qu'ils sont inscrits au RNCP, pourraient être préparés dans le cadre de l'apprentissage, sachant que le stock de ces certificats est assez important.

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