Intervention de Thomas Planchot

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 1er octobre 2015 : 1ère réunion
Table-ronde n° 2 : témoignages concrets sur le défi d'une relance de l'apprentissage en entreprise

Thomas Planchot, responsable du groupe Planchot :

Je suis associé à mon cousin dans cette entreprise familiale -nos deux parents sont dans l'entreprise. Issu de l'alternance, je suis diplômé de trois CAP, d'un bac professionnel et d'un master de management, et suis Meilleur ouvrier de France -l'alternance peut mener à la réussite ! Nous dirigeons un groupe de 220 personnes, dont 80 sont dans la fabrication et 12 en alternance, quel que soit le niveau. Je suis un chaud partisan de l'alternance.

Depuis quelques années, les cursus de formation sont raccourcis, ce qui se ressent dans la qualification. Mon cursus de bac professionnel a duré six ans, et je suis fils de boulanger. Il dure trois ans maintenant, pour former à deux ou trois métiers, sans que la qualité de la formation ou la motivation des jeunes y gagne : on n'a pas rendu plus accessible une vraie professionnalisation. En tant qu'employeur, je n'attends pas un diplôme mais un savoir-faire et des compétences. Cela nous pousse à responsabiliser davantage les jeunes dans leur formation et à leur expliquer qu'on peut s'épanouir dans son travail et dans la formation professionnelle. Cette culture du travail, que nous avons perdue, est la condition de la réussite de l'alternance.

Nous manquons de temps pour former les jeunes. Auparavant, les tuteurs n'hésitaient pas à rester un peu plus en fin de journée. Les entreprises qui grossissent manquent souvent de tuteurs, qu'elles emploient beaucoup d'intérimaires ou qu'elles soient confrontées à un turn over important. Or un tuteur doit être présent à l'année et se projeter sur trois ans dans un emploi fixe, ce qui est rare dans un département qui bouge !

Comme la formation a été raccourcie, les petits diplômes se multiplient depuis quelques années. Mais une entreprise s'engage difficilement sur un an, moins 18 semaines si on compte les vacances, moins encore si l'apprenti voyage à l'étranger... Huit cents heures en entreprise ne suffisent pas pour apprendre un métier. Il vaudrait mieux un modèle solide au départ plutôt que de multiplier les petites formations : les jeunes ne peuvent pas se spécialiser dans tout, ils ont déjà du mal à se spécialiser sur un secteur. Faisons le maximum pour orienter vers nos métiers.

La formation par alternance se distingue par davantage de présence et de pratique. Un jeune issu de bac professionnel a deux fois moins de pratique mais la même rémunération. De nombreux jeunes fréquentent le lycée professionnel faute d'avoir trouvé une entreprise ; à la sortie, ils sont moins facilement embauchés, du fait d'un moindre savoir-faire. Ouvrir la possibilité d'une réorientation est une belle initiative mais les entreprises sont perdues dans les grilles de rémunération en fonction du diplôme, de l'âge : elles devraient être simplifiées. Embaucher un jeune de 21 ans souhaitant se réorienter coûte 15 à 16 euros de l'heure, aussi cher qu'un ouvrier ! C'est quasiment impossible.

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