Intervention de Fehd Bensaïd

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 1er octobre 2015 : 1ère réunion
Table-ronde n° 2 : témoignages concrets sur le défi d'une relance de l'apprentissage en entreprise

Fehd Bensaïd, directeur du CFA de Seine-et-Marne :

Notre CFA, géré par la chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne, forme 2 000 apprentis. Il est multidisciplinaire avec quatre filières de formation : hôtellerie-restauration-tourisme, commerce-services, comptabilité-gestion, informatique-technologies numériques ; nous proposons plus de quarante diplômes du niveau CAP au bac + 5. Il est territorial : nous répondons aux besoins des entreprises grâce à quatre sites de formation de Marne-la-Vallée, Provins, Meaux et Avon-Fontainebleau.

Lors de la première table ronde, M. Martinot indiquait que nous étions tous responsables de la situation de l'apprentissage. La réforme des bacs professionnels, à la rentrée 2009, souhaitait aligner la durée du bac professionnel sur le bac général, soit trois ans, réduire la durée globale d'obtention du bac pro en supprimant le BEP et satisfaire les demandes des jeunes et de leur famille. Pour autant, on peine à constater, sur le terrain, les effets de cette réforme : un jeune titulaire d'un CAP a davantage de difficultés à poursuivre sa formation en bac pro ; le niveau scolaire de sortie de formation après ce bac en trois ans rend l'accès au BTS encore plus difficile ; les entreprises n'osent pas s'engager pour trois ans avec des jeunes sortant de troisième et ayant tout juste 15 ans.

Notre CFA, l'UTEC, a vu ses effectifs de niveau 5 (CAP) et 4 (bac professionnel) chuter de 23% en quatre ans, depuis la mise en place de la réforme, soit une baisse globale de 12%. À l'échelle nationale, le BEP représentait 10 000 jeunes formés chaque année par les CCI dans les métiers de la vente. Nous souhaitons que la première année de bac professionnel -qui correspond à la seconde professionnelle- soit en temps plein sous statut scolaire, tout en maintenant le principe d'alternance, avec plusieurs stages. En réduisant le décrochage scolaire, on favoriserait une maturation professionnelle, on accroîtrait l'employabilité et on stimulerait la signature de contrats d'apprentissage pérennes pour les deux années suivantes.

L'orientation des jeunes est cruciale pour l'entrée en apprentissage. De nombreuses initiatives et services participent à la promotion des formations et à l'orientation des jeunes. Des actions nationales, régionales et locales sont mises en place depuis plusieurs années pour enrayer la baisse des effectifs formés en apprentissage. Véritables ambassadeurs, des développeurs de l'apprentissage sillonnent le terrain. Tout le monde s'accorde pour dire que l'apprentissage est la voie royale pour entrer dans le monde professionnel. Pour autant, l'apprentissage devient souvent une voie par défaut, pour ne pas dire une voie de garage. L'orientation en fin de troisième est verrouillée par l'outil national Affelnet d'affectation des élèves en lycée ou en lycée professionnel. Celui-ci ne propose l'apprentissage que depuis la rentrée 2015 et oriente exclusivement les jeunes vers les établissements de l'Éducation nationale, en ignorant totalement l'offre des autres CFA. Déclenchons une véritable démarche d'orientation vers l'ensemble des modes de formation, y compris l'apprentissage. L'insertion professionnelle remarquable des CFA doit être accessible à tous les jeunes.

Il y a une semaine, lors d'une réunion d'information sur l'orientation entre les parents, les jeunes, les enseignants et les principaux de collège, pas un mot n'a été dit sur l'apprentissage ! Tous les collégiens et lycéens devraient être tenus de faire au moins un stage de découverte de l'apprentissage.

Il faudrait aussi simplifier les modalités de signature des contrats et aider financièrement les entreprises de plus de onze salariés. J'ai été très surpris d'apprendre que les moyens étaient disponibles, alors que tous les directeurs de CFA sont inquiets de la réforme de la taxe d'apprentissage et des restrictions budgétaires des organes gestionnaires et des conseils régionaux...

Le tutorat doit être valorisé, et l'offre de formation adaptée à la réalité des entreprises. Au quotidien, les chambres de commerce proposent des titres consulaires inscrits à la Commission nationale de certification professionnelle. Cependant, dans certaines régions ou services académiques, ces titres sont bloqués et ne peuvent être délivrés par la voie de l'apprentissage. Voilà quelques propositions concrètes pour enrayer la baisse des effectifs et relancer l'apprentissage.

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