Intervention de Morgan Marietti

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 1er octobre 2015 : 1ère réunion
Table-ronde n° 2 : témoignages concrets sur le défi d'une relance de l'apprentissage en entreprise

Morgan Marietti, délégué général de l'ANAF :

Les apprentis ont rarement la parole pour débattre des sujets qui les concernent, comme l'organisation de l'apprentissage, la formation, le financement, la pédagogie et la vision de l'entreprise. L'Association nationale des apprentis de France, que j'ai contribué à fonder en 2010, a pour but de donner aux jeunes la possibilité de se faire entendre. Les apprentis sont les grands absents des débats préliminaires aux élections régionales. Actuellement, aucune structure démocratique n'est organisée dans les CFA ou sur le plan régional. Ainsi, je trépignais sur mon siège lors de la première table-ronde : j'avais des propositions et des expériences réussies à partager !

Depuis vingt ans, les gouvernements successifs n'ont eu aucune stratégie sur l'apprentissage, aucune vision, faute de connaissance du secteur et en raison d'une opposition politique entre le tout-économie et le tout-éducatif, à l'instar de l'opposition entre le modèle allemand et le modèle français. La France pourrait construire son modèle en conciliant les deux. Les politiques n'ont jamais mis les mains dans la pédagogie : jamais un candidat à la présidentielle, aux régionales ou un élu n'a décidé de s'y investir. La formation au sein de l'Éducation nationale est insuffisante, le système ne tient que par le militantisme et le travail hors norme des personnels et directeurs de CFA qui sont insuffisamment soutenus. L'ANAF se bat au quotidien pour les aider, mais il n'existe aucun organisme de formation pour faire évoluer les formateurs et les CFA, hormis dans certaines régions, ce qui est inacceptable. Les publics, les entreprises et les familles ont changé !

En moyenne, 25 % des contrats sont rompus avant leur terme, et la moitié des entreprises ne veulent plus jamais prendre d'apprenti. Mieux vaudrait lutter contre ce phénomène que de se fixer comme objectif d'atteindre un nombre d'un million d'apprentis en cinq ans. Cela dit, la région Île-de-France a mis en place depuis cinq ans un système de qualité grâce auquel la proportion de contrats rompus est passée en-dessous de 5 %. La clef est une pédagogie proactive, qui met le jeune à même de répondre aux besoins de l'entreprise tout en défendant les valeurs éducatives.

Vous avez raison, la taxe d'apprentissage doit revenir à l'apprentissage. Mais vous n'arriverez pas à sortir l'apprentissage du giron de l'Éducation nationale. Le problème est plutôt de nature culturelle : un mur sépare les formateurs, qui craignent que l'entreprise exploite le jeune, des entreprises, pour lesquelles celui-ci doit avant tout être rentable. Il faut trouver un équilibre. La formation doit répondre aux besoins à court terme d'entreprise tout en faisant du jeune un citoyen -ce qui rassurera les formateurs.

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